Décisions et ordonnances

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date de la décision :

Le 24 novembre 2022

Référence :

Gra Ham Energy Limited c Canada (Environnement et Changement climatique), 2022 TPEC 11

Numéros des dossiers du TPEC :

0079-2021, 0080-2021, 0081-2021 et 0082-2021

Intitulé :

Gra Ham Energy Limited c Canada (Environnement et Changement climatique)

Demanderesse :

Gra Ham Energy Limited

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126, des pénalités administratives infligées en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à la violation des articles 30 et 33 du Règlement sur les carburants renouvelables, des paragraphes 5(1) et 5(2) du Règlement sur le soufre dans le carburant diesel et de l’article 4 du Règlement no 1 concernant les renseignements sur les combustibles, pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33.

 

Instruit :

Le 28 octobre 2022 (par vidéoconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocat ou représentant

Gra Ham Energy Limited

 

Jane Graham

Ministre de l’Environnement et

du Changement climatique du Canada

 

James Stuckey

DÉCISION RENDUE PAR :

 

LESLIE BELLOC-PINDER


Aperçu

[1]          Gra Ham Energy Limited (la « demanderesse ») a reçu des lettres et des appels téléphoniques pour lui rappeler de s’acquitter des obligations de faire rapport que lui imposent le Règlement sur le soufre dans le carburant diesel, le Règlement no 1 concernant les renseignements sur les combustibles et le Règlement sur les carburants renouvelables (les « Règlements »). Malgré ces rappels, la demanderesse n’a pas remis les rapports exigés dans les délais prescrits. Par conséquent, un agent d’application de la loia émis quatre procès‑verbaux le 18 novembre 2021.

[2]          La demanderesse demande au Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (le « Tribunal ») de réviser et d’annuler les procès‑verbaux, ou à tout le moins de réduire le montant cumulatif des pénalités infligées, car elles sont sévères et, à cause de difficultés imprévues ou de circonstances hors de son contrôle, elle n’a pas été en mesure de respecter ses obligations en matière dereddition de comptes.

[3]          Le Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement (le « RPAME ») confère à l’agent d’application de la loile pouvoir d’infliger les pénalités administratives énoncées dans les procès‑verbaux. Le pouvoir du Tribunal de réviser les pénalités administratives se limite à des circonstances précises décrites dans la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement (la « Loi »).

[4]          Selon la Loi, même si la demanderesse peut démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de contrevenir à la loi ou qu’elle était de bonne foi et qu’elle a ainsi exercé toute la diligence voulue, le Tribunal ne peut annuler ou réduire les pénalités. En l’espèce, la demanderesse n’a pas démontré qu’elle pouvait invoquer pour sa défense un moyen qui existe dans certaines circonstances, puisqu’aucune de ces circonstances ne s’applique.

[5]          Pour les motifs suivants, la demande de révision de la demanderesse est rejetée, et les procès‑verbaux sont maintenus.

Les faits

[6]          La demanderesse est une petite compagnie pétrolière familiale qui exerce ses activités à St. Mary’s, en Ontario, ou dans les environs. La pandémie mondiale de COVID‑19 qui a commencé en 2020 et s’est poursuivie en 2021 a eu des répercussions négatives sur ses activités, notamment parce que le personnel a dûêtre relocalisé, ce qui a entraîné un manque de communication et des lacunes dans la gestion de l’information.

[7]          La demanderesse reconnaît qu’elle n’a pas remis quatre rapports dans les délais prescrits par les Règlements. Toutefois, selon la preuve, la demanderesse a tardé à présenter plus de quatre rapports en 2020, mais seuls quatre procès‑verbaux ont étéémis.

[8]          En janvier 2021, la demanderesse a reçu une trousse d’information sur l’obligation de donner un préavis de 12 heures avant l’importation de carburant qui contient du soufre. En avril 2021, la demanderesse a reçu un courriel lui rappelant qu’elle n’avait pas présenté son rapport sur la concentration de soufre dans le carburant diesel après avoir déposé son rapport d’enregistrement en février 2021. Le rapport n’a été déposé qu’à la mi‑mai. La demanderesse a également tardé à déposer deux rapports sur les carburants renouvelables, qui devaient être déposés respectivement en mai et en juin.

[9]          Aussi en avril 2021, un représentant de Gra Ham Energy Limited a demandé des renseignements sur l’importation d’essence au Canada et a indiqué que la compagnie avait déjà importé 400 mètres cubes d’essence (la limite qui donne naissance à l’obligation de faire rapport). Malgré cela, et bien qu’elle était au courant de l’obligation de faire rapport, la demanderesse n’a pas présenté les renseignements requis sur les combustibles. Elle ne l’avait toujours pas fait au moment où le procès‑verbal lié à cette violation a été dressé en novembre 2021.

[10]       Le 14 décembre 2021, la demanderesse a présenté sa demande en vue de faire réviser les quatre procès‑verbaux. Elle a affirmé qu’ en plus des complications liées à la pandémie, elle manquait de personnel et deux personnes différentes étaient chargées de préparer les divers rapports prévus aux annexes des Règlements. La demanderesse a sollicité [traduction] « l’annulation des pénalités totalisant 4 000 $ infligées au cours de la dernière année » et a affirmé qu’elle serait « plus prudente » à l’avenir pour éviter de déposer ses rapports en retard.

L’instance

[11]       Après discussion, les parties ont fixé les délais pour déposer les documents requis et ont convenu que les arguments oraux seraient présentés au cours d’une vidéoconférence. Le défendeur a présenté des observations écrites et des documents à l’appui, alors que la demanderesse n’a rien déposé à l’exception de sa demande de révision initiale. La décision de la demanderesse de ne pas déposer de documents ne lui a causé aucun préjudice puisque nul ne contestait les faits à l’origine des procès‑verbaux.

[12]       L’audience a eu lieu le 28 octobre 2022 et la décision a été prise en délibéré.

Les questions en litige

[13]       Les questions en litige sont les suivantes :

a)         Les difficultés opérationnelles de la demanderesse, qui l’ont empêchée de déposer les rapports exigés, constituent‑elles un moyen de défense contre l’infliction des pénalités?

b)        Dans l’éventualité où aucun moyen de défense ne peut être invoqué, le montant des pénalités administratives a‑t‑il été calculé correctement ou peut‑il être réduit?

Analyse

Violation

[14]       En l’espèce, les faits à l’origine de la violation des Règlements ne sont pas contestés. Les dossiers sont éloquents, et la demanderesse reconnaît qu’elle n’a pas présenté les rapports et renseignements requis dans les délais prescrits. Par conséquent, la demanderesse encourt une pénalité administrative.

[15]       La représentante de la demanderesse, qui travaille activement au sein de la compagnie, s’est excusée d’avoir tardé à présenter les rapports exigés, ou omis de le faire, mais a souligné que la pénalité cumulative de 4 000 $ était inattendue et onéreuse. Elle a affirmé que si la compagnie avait su qu’elle risquait de faire face à une telle pénalité en janvier 2021, elle se serait [traduction] « forcée davantage », sans doute en étant plus minutieuse dans sa tenue de dossiers et en présentant tous les rapports à temps.

[16]       Il s’agit d’une réponse courante, mais néanmoinsvexante, aux mesures de protection de l’environnement qui sont censées avoir l’application la plus large possible. Bien qu’une infraction, considérée isolément, puisse être qualifiée d’insignifiante, l’impact cumulatif de chaque infraction est énorme et mène directement aux dommages environnementaux que le Canada cherche à éliminer. Pour ce motif, bien que je comprenne le point de vue de la demanderesse, annuler ou réduire les pénalités qui lui ont été infligées n’est ni possible ni souhaitable, puisque cela minerait le régime législatif dans son ensemble.

[17]       Comme « la protection de l’environnement est essentielle au bien‑être de la population du Canada », l’objet principal de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33 est d’assurer la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine afin « de contribuer au développement durable ». Les Règlements que la demanderesse a enfreints en l’espèce contribuent à cet objectif en exigeant que les intervenants du secteur de l’énergie soient transparents dans leur façon d’importer, de transporter, de distribuer et d’utiliser l’essence et qu’ils rendent des comptes. Pour lutter contre la pollution, les intervenants doivent rendre compte de ces activités de façon précise et en temps opportun, y compris lorsqu’elles impliquent des émissions comme le soufre et/ou les gaz à effet de serre.

[18]       Par conséquent, les violations commises par la demanderesse ne sont pas que de simples erreurs de tenue de dossiers, compte tenu des principaux objectifs de la législation canadienne en matière de protection de l’environnement. La Cour suprême du Canada a affirmé que la législation en matière d’environnement est « un objectif public d’une importance supérieure » et que la protection de l’environnement est « l’un des principaux défis de notre époque »[1]. Le régime de responsabilité absolue applicable en l’espèce met en évidence l’engagement du législateur à relever ce défi.

[19]       Le fait que le Tribunal aie peu de pouvoir pour intervenir dans les mesures d’exécution du régime législatif démontre également l’importance supérieure de la protection de l’environnement. Il est désormais bien établi par la jurisprudence du Tribunal que le rôle de ce dernier se limite à déterminer si les violations ont eu lieu, puis à juger si le montant des pénalités administratives a été correctement calculé. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de contrôler la façon dont les agents de l’environnement exercent leur pouvoir discrétionnaire d’émettre des procès‑verbaux, ni d’intervenir dans cet exercice[2]. De plus, les quelques moyens de défense de common law que peuvent invoquer les demandeurs devant ce Tribunal se rapportent à la conclusion selon laquelle il y a ou non bel et bien eu violation, et ne sauraient consister en des explications données après les faits. En outre, le Tribunal n’a pas compétence pour modifier le montant des pénalités infligées, car le barème est établi par le RPAME et doit être appliqué tel quel par les agents.

[20]       En l’espèce, il ne fait aucun doute que la demanderesse a commis les violations qui lui sont reprochées.

Pénalités

[21]       Les violations énumérées dans les procès‑verbaux dressés contre la demanderesse sont des violations de type A selon l’annexe 1, de la partie 5 du Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement.

[22]       Le montant de base de la pénalité infligée à une société pour une violation de type A est de 1 000 $. Aucun montant n’a été ajouté pour facteurs aggravants dans l’un ou l’autre des quatre procès‑verbaux, malgré les antécédents de non‑conformité relativement récents de la demanderesse. Par conséquent, la demanderesse s'est vu infliger la pénalité la moins sévère pour chaque procès‑verbal.

[23]       La preuve démontre clairement que le calcul de la pénalité administrative infligée à la demanderesse n’est pas erroné.

La décision

[24]       La demande de révision est rejetée. Par conséquent, les procès-verbaux N8300-2878, N8300-2879, N8300-2880 et N8300-2881 sont maintenus.

Demande de révision rejetée

 

« Leslie Belloc-Pinder »

LESLIE BELLOC-PINDER

RÉVISEURE

 



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.