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Date de la décision :

Le 14 octobre 2022

Référence :

FCA Canada Inc c Canada (Environnement et Changement climatique), 2022 TPEC 9

Numéros de dossier du TPEC :

0027‑2021 à 0071‑2021

 

Intitulé :

FCA Canada Inc c Canada (Environnement et Changement climatique)

Demanderesse :

FCA Canada Inc.

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, en vertu de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art. 126, de pénalités administratives imposées au titre de l’article 7 de cette loi, relativement à des violations de l’alinéa 153(1)g) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33.

Date de l’audience :

Le 14 septembre 2022, par vidéoconférence

Comparutions :

Parties

 

Avocats

FCA Canada Inc.

 

 

Rosalind H. Cooper

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

 

 

 

 

 

James Stuckey

DÉCISION RENDUE PAR :

 

PAUL MULDOON


Aperçu

[1]          FCA Canada Inc., autrefois appelée DaimlerChrysler Canada Inc. (la demanderesse ou FCA), importe des véhicules qui sont destinés à la vente au Canada et sur lesquels est apposée une marque nationale. Cela déclenche certaines exigences en matière de tenue et de fourniture de dossiers afin de permettre aux instances publiques de déterminer la conformité réglementaire à diverses exigences en matière d’émissions et de rendement concernant les véhicules et les moteurs.

[2]          La demanderesse a été l’objet d’une mesure d’application de la loi d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC ou le ministre), sous le régime de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement[1] (la LPAME), quand certaines informations ont été demandées par la voie d’une mise en demeure ministérielle concernant le véhicule visé, aux termes de l’alinéa 153(1)g) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)[2] (la LCPE). ECCC soutient que la demanderesse n’a pas fourni la totalité des dossiers demandés dans les délais prescrits. Certains d’entre eux étaient tenus par un fournisseur de la demanderesse, Cummins Inc. (Cummins), qui a son siège aux États‑Unis.

[3]          ECCC a dressé à l’encontre de FCA des procès‑verbaux pour chaque journée ouvrable au cours de la période de 47 jours s’étendant du 15 juin au 17 août 2021, inclusivement. Chaque procès‑verbal comportait une pénalité de 1 000 $ par jour de violation. Cependant, ECCC a accepté de ne pas retenir quatre procès‑verbaux datés du 15, du 16, du 17 et du 18 juin 2021. Les présents motifs se rapportent aux procès‑verbaux restants.

[4]          ECCC soutient que les éléments des violations ont été établis et que la demanderesse ne dispose d’aucun moyen de défense.

[5]          La demanderesse soutient qu’ECCC n’a pas établi les éléments des violations, qu’elle n’est pas responsable des dossiers qui relèvent d’une tierce partie et qu’il y a eu abus de procédure et manquement à l’équité procédurale.

[6]          Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut qu’ECCC a établi les éléments des violations et que les moyens de défense invoqués par la demanderesse ne s’appliquent pas en l’espèce.

Le contexte

[7]          Les parties ont produit un exposé conjoint des faits dans un document daté du 21 juin 2021. Cet exposé fournit des informations générales sur le fondement factuel de la présente révision. La chronologie des faits est résumée dans les paragraphes qui suivent, sans modifications importantes à son contenu. La chronologie est également résumée à l’annexe B.

[8]          La demanderesse vend divers camions et autres véhicules au Canada. Le siège social de FCA Canada est situé à Windsor, en Ontario.

[9]          En juin 2003, la demanderesse a présenté une demande d’autorisation d’apposer la marque nationale à diverses catégories de véhicules et de moteurs. La demande d’autorisation indique que les dossiers mentionnés à l’article 38 du Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs (le Règlement) seront tenus à une adresse située à Windsor, en Ontario.

[10]       Le 2 juillet 2003, la demanderesse a obtenu du ministère l’autorisation d’apposer la marque nationale, conformément à l’article 7 du Règlement. Cette autorisation signalait que FCA était tenue d’informer ECCC de tout changement aux renseignements inscrits dans la demande.

[11]       La demanderesse est l’importatrice officielle au Canada des véhicules Ram 2500 de garnitures différentes (versions différentes du même modèle) de l’année modèle 2019. Parmi ces véhicules figure un Ram 2500 de 2019 portant le numéro d’identification de véhicule (NIV) 3C6MR5BL0KG722120 (le véhicule visé), sur lequel étaient apposées une marque nationale et une étiquette américaine d’information sur la réduction des émissions de l’Environmental Protection Agency (l’EPA) des États‑Unis.

[12]       Par une lettre datée du 24 février 2020, la Division des transports d’ECCC a présenté une demande d’éléments de justification de la conformité au sujet du véhicule visé. La demanderesse y a donné suite le 16 mars 2020, demandant un délai supplémentaire pour répondre en raison, à ce moment‑là, de la déclaration de pandémie de COVID‑19.

[13]       Certains dossiers qui faisaient partie de la demande d’ECCC étaient en la possession d’une tierce partie, Cummins Inc. (Cummins), un fabricant de moteurs situé aux États‑Unis. Cummins est la détentrice du certificat de conformité des émissions de l’EPA des États‑Unis qui s’applique au véhicule visé.

[14]       Par une lettre datée du 30 mars 2020, la demanderesse a informé la Division des transports d’ECCC qu’elle avait communiqué avec Cummins pour lui faire part de ses demandes et permettre à ECCC et à Cummins de communiquer directement entre eux au sujet des dossiers demandés.

[15]       Le 1er octobre 2020, la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a délivré à FCA une mise en demeure ministérielle, conformément à l’article 219 de la LCPE, afin qu’elle fournisse des dossiers permettant de vérifier la conformité aux normes réglementaires concernant le véhicule visé. Pour ce qui était de la fourniture des dossiers demandés, la mise en demeure ministérielle fixait le délai au 4 décembre 2020.

[16]       En réponse à la mise en demeure ministérielle, le ou avant le 2 décembre 2020, ECCC avait reçu de la demanderesse des documents par courriel, ainsi que des documents transmis directement par Cummins, par l’entremise d’un lecteur partagé hébergé par le cabinet McMillan, le représentant de cette entreprise.

[17]       Le 13 mai 2021 (le 11 mai 2021, d’après les procès‑verbaux), l’agent Vincent Szeto, de la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, a envoyé à la demanderesse une demande de suivi au sujet de certains dossiers qui avaient été demandés dans la mise en demeure ministérielle, mais qui, selon l’appréciation d’ECCC, n’avaient pas été reçus, et il a fixé le délai au 18 juin 2021 pour la réception de ces dossiers.

[18]       Le 15 juin 2021, la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a communiqué avec la demanderesse pour lui indiquer que, le 14 juin 2021, elle n’avait pas encore reçu de réponse de sa part.

[19]       Cummins a fourni directement quelques renseignements supplémentaires à ECCC, et la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC les a reçus avant l’expiration du délai du 18 juin 2021.

[20]       Le 21 juin 2021, la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a confirmé à la demanderesse qu’elle allait examiner les renseignements reçus de Cummins et que s’il était nécessaire de faire un suivi, elle communiquerait avec elle. Il n’y a pas eu d’autres communications de la part de la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC avant le 4 août 2021, date à laquelle elle a demandé la tenue d’une rencontre avec FCA et a proposé comme date le 18 août 2021.

[21]       À une rencontre tenue le 18 août 2021, la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a informé FCA qu’elle avait l’intention de dresser des procès‑verbaux pour la période s’étendant du 15 juin au 17 août 2021.

[22]       Selon l’appréciation de la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, les dossiers suivants n’ont pas tous été reçus au complet le ou avant le 14 juin 2021, relativement aux renseignements demandés dans la mise en demeure ministérielle du 1er octobre 2020. Selon ECCC, les documents non obtenus, demandés et mentionnés dans les procès‑verbaux, comprennent les éléments 3a)(ii), f), g) et h), et plus précisément :

[traduction]

3. Informations concernant le véhicule d’essai servant d’échantillon qui se trouve en la possession d’ECCC :

a) Une justification complète de la conformité afin de satisfaire aux exigences du paragraphe 35(1) du Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs (DORS/2003‑2), y compris :

(ii) Une copie de tous les dossiers présentés à l’EPA à l’appui de la demande de délivrance, de toute demande de modification du certificat de l’EPA pour le véhicule susmentionné et de tout dossier soumis à l’EPA en vue de conserver ce même certificat — cela inclut toutes les versions des demandes de certificat et des dossiers (c’est‑à‑dire la partie 1 et la partie 2 de l’EPA des États‑Unis, les sections communes afférentes et les modifications en cours d’exécution);

[…]

f) Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM;

g) Tout échange de renseignements supplémentaires (reçus et envoyés) avec les organismes de réglementation des États‑Unis (l’Environmental Protection Agency, le département de la Justice et la California Air Resources Board), relativement aux modèles Ram 2500 et 3500 de l’année modèle 2019, munis du moteur turbodiesel de 6,7 l de Cummins;

h) Tout renseignement concernant les divers calibrages du module de réduction des émissions qui sont disponibles depuis son lancement sur le marché, ainsi qu’un résumé des modifications effectuées entre chaque révision du calibrage.

[23]       L’agent d’application de la loi, Vincent Szeto, a dressé des procès‑verbaux pour la période du 15 juin au 17 août 2021, au titre de l’article 6 et du paragraphe 10(1) de la LPAME, en faisant état de contraventions à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, relativement au véhicule visé. Ces procès‑verbaux ont été signifiés à FCA par messager le 18 août 2021.

Les dispositions législatives et réglementaires applicables

[24]       L’une des dispositions législatives fondamentales qui s’appliquent à la présente révision est l’alinéa 153(1)g) de la LCPE :

153 (1) Pour une entreprise, l’apposition d’une marque nationale sur des véhicules, moteurs ou équipements, la vente de véhicules, moteurs ou équipements ainsi marqués et l’importation de véhicules, moteurs ou équipements sont subordonnées à l’observation des conditions suivantes :

[…]

(g) tenue et fourniture, conformément au règlement, de dossiers relatifs à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain des véhicules, moteurs ou équipements, en vue de permettre à l’agent de l’autorité de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables et de faciliter la détection et l’analyse des défauts visées au paragraphe 157(1);

[25]       Les dispositions applicables de la LPAME comprennent les suivantes :

7 La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

11 (1) L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

(2) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi environnementale s’appliquent à l’égard d’une violation dans la mesure de leur compatibilité avec la présente loi.

20 (1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

[26]       D’autres dispositions législatives et réglementaires applicables sont reproduites à l’annexe A de la présente décision.

Les questions en litige

[27]       ECCC est d’avis que la seule question en litige consiste à savoir si les violations ont été commises ou non.

[28]       La demanderesse estime que les questions en litige dans la présente révision sont les suivantes :

1. ECCC s’est‑il acquitté de son fardeau d’établir que la demanderesse a commis des violations de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE?

2. L’interprétation que fait le ministre de l’alinéa 153(1)g) est‑elle contraire aux principes d’interprétation législative?

3. ECCC a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers la demanderesse?

4. Le moyen de défense fondé sur l’abus de procédure s’applique‑t‑il dans les circonstances particulières de l’espèce?

[29]       La demanderesse ne conteste pas le montant de la pénalité, s’il est conclu qu’elle est valide, ce qui fait que je ne traiterai pas de la question de savoir si cette pénalité a été calculée correctement.

[30]       Le Tribunal révisera chacune des questions que la demanderesse a mentionnées. Tout d’abord, toutefois, il examinera deux questions préliminaires : i) s’il convient de rejeter les quatre procès‑verbaux portant des dates inexactes et ii) si le Tribunal peut examiner une violation de l’article 219 de la LCPE.

Les questions préliminaires

[31]       Deux questions préliminaires sont soulevées dans la présente révision. Premièrement, ECCC a concédé que certaines violations alléguées dans quatre des procès‑verbaux n’avaient pas été établies. Deuxièmement, la demanderesse soutient que les procès‑verbaux visés par la présente révision ne se rapportent pas à des violations relatives à la LCPE.

[32]       ECCC concède, et n’en conteste pas le rejet, quatre procès‑verbaux qui ont été dressés sur la base de dates erronées, par suite de fermetures de bureaux dues à la pandémie. Les procès‑verbaux font référence erronément à la lettre du 11 mai 2021 et au délai du 14 juin 2021, et il a été estimé que la violation continue avait commencé le 15 juin 2021.

[33]       ECCC soutient également que la demanderesse a aussi contrevenu au paragraphe 219(2) en ne fournissant pas les dossiers demandés dans les délais raisonnables qu’avait fixés l’agent d’application de la loi.

[34]       FCA, selon ce que le Tribunal comprend de ses observations, ne s’oppose pas au rejet des procès‑verbaux qu’ECCC a mentionnés par erreur.

[35]       La demanderesse soutient que, contrairement aux observations d’ECCC, il n’y a pas de question en litige au sujet de l’article 219 de la LCPE, car il n’y a, dans les procès‑verbaux, aucune allégation de non‑conformité à cette disposition.

Analyse et conclusions concernant les questions préliminaires

(i)    Les procès‑verbaux que le défendeur a concédés

[36]       Le défendeur concède quatre procès‑verbaux dressés sur le fondement de dates erronées, et il n’en conteste pas la révision. ECCC explique qu’une mise en demeure ministérielle datée du 11 mai 2021 a été mentionnée dans les procès‑verbaux qui indiquaient la date du 14 juin 2021 comme délai pour la fourniture des dossiers qu’il restait encore à transmettre. ECCC déclare qu’en raison de fermetures de bureaux dues à la pandémie, la mise en demeure n’a pas pu être envoyée, et une mise en demeure ultérieure a été transmise le 13 mai 2021, avec comme délai le 18 juin 2021. C’est donc dire que les procès‑verbaux auraient dû inclure ces dernières dates. ECCC convient que la violation continue a commencé le 21 juin 2021 et elle ne défend pas les procès-verbaux suivants : no 8300‑3826, daté du 15 juin 2021; no 8300‑3827, daté du 16 juin 2021; no 8300‑3828, daté du 17 juin 2021; no 8300‑3829, daté du 18 juin 2021.

[37]       Le Tribunal conclut qu’en ce qui concerne les quatre procès‑verbaux mentionnés ci‑dessus, conformément à l’article 20 de la LPAME, aucune preuve n’établit les éléments de la violation.

(ii)  L’application de l’article 219 de la LCPE

[38]       ECCC a soutenu dans ses observations que la demanderesse avait violé l’article 219 de la LCPE. La demanderesse soutient que la demande de révision ne concerne que l’alinéa 153(1)g).

[39]       Le Tribunal conclut que la présente décision a trait à une révision concernant la disposition désignée dans les procès‑verbaux, soit l’alinéa 153(1)g), et non l’article 219. Par conséquent, la présente révision ne porte que sur la disposition désignée.

Première question : ECCC s’est‑il acquitté de son fardeau d’établir que la demanderesse avait commis des violations de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE?

Les observations d’ECCC

[40]       ECCC soutient qu’il n’existe aucun motif pour infirmer les procès‑verbaux, car les éléments de ces derniers sont établis en fonction de faits clés qui ne sont pas en litige entre les parties.

[41]       ECCC soutient ce qui suit :

– La demanderesse a obtenu du ministère l’autorisation d’utiliser la marque nationale au titre de l’article 7 du Règlement;

– Dans sa demande d’autorisation d’une marque nationale, la demanderesse déclare que les dossiers mentionnés à l’article 38 du Règlement seront tenus à l’adresse suivante : 3939, chemin Rhodes, Windsor (Ontario), N8W 5B5. L’autorisation mentionne que la demanderesse est tenue d’aviser ECCC de tout changement aux renseignements fournis dans la demande;

– Toute entreprise qui importe un véhicule ou un moteur assorti d’une marque nationale se doit de tenir et de fournir, « conformément au règlement », les dossiers qui permettront à un agent d’application de la loi de déterminer la conformité aux normes environnementales applicables;

– Cette expression, « conformément au règlement », concernant la tenue et la fourniture des dossiers mentionnés à l’alinéa 153(1)g) est précisée à l’article 38 du Règlement, qui exige que les dossiers soient tenus « par écrit ou sous une forme électronique ou optique facilement lisible »;

– La demanderesse était assujettie à cette exigence, car elle a importé des véhicules Ram 2500 de l’année-modèle 219 de garnitures différentes, dont le véhicule visé, qui disposait d’une marque nationale et qui devait donc être conforme aux exigences en matière de tenue de dossiers du paragraphe 153(1), dont leur « tenue et fourniture » et ce, « conformément au règlement »;

– Lorsque des dossiers sont tenus pour le compte d’une entreprise, « l’entreprise doit tenir un dossier comportant le nom et l’adresse municipale de la personne qui les concerne, ainsi que son adresse postale, si elle est différente »;

– Comme c’était Cummins qui détenait un grand nombre de documents, ceux-ci n’étaient donc pas tenus de la manière exigée, c’est‑à‑dire par écrit ou sous une forme électronique ou optique facilement lisible, par la demanderesse.

[42]       ECCC soutient que, bien que Cummins lui ait fourni directement quelques dossiers ou renseignements supplémentaires, à titre de suivi à la lettre qu’il avait envoyée le 13 mai 2021, ECCC a déterminé que certains dossiers visés par la mise en demeure ministérielle n’avaient toujours pas été fournis en date du 18 juin 2021. Les documents non fournis comprenaient ce qui correspondait aux éléments 3a)(ii), f), g) et h) de la mise en demeure ministérielle et les lettres de suivi. ECCC a ensuite dressé des procès‑verbaux pour la période du 15 juin au 17 août 2021, faisant référence à des contraventions à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

[43]       ECCC soutient que les exigences de la LCPE et du Règlement en matière de tenue de dossiers ne sont pas un simple formalisme; elles constituent un élément essentiel de la législation et de la réglementation environnementales canadiennes, dans l’intérêt du public. Il soutient que l’amende environnementale la plus élevée que l’on ait imposée au Canada à ce jour se rapportait à des violations de la LCPE et de dispositions connexes du Règlement, relativement à la vérification de la conformité aux normes en matière d’émissions et de rendement[3].

[44]       ECCC soutient que, selon son appréciation, nul ne conteste qu’à l’expiration du délai initial du 4 décembre 2020, les documents mentionnés dans la mise en demeure ministérielle n’avaient pas tous été fournis. Il ajoute que la demande de suivi a précisé la partie de la demande de dossiers qui restait encore sans réponse, et qu’il a accordé une prorogation de délai jusqu’au 18 juin 2021 pour le respect de la mise en demeure. Il n’est pas contesté non plus, selon l’appréciation d’ECCC, qu’à l’expiration de ce dernier délai, les dossiers qui auraient permis de répondre complètement à la mise en demeure ministérielle et à la lettre de suivi n’avaient toujours pas été fournis.

[45]       En résumé, ECCC soutient que la demanderesse a contrevenu à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE en ne répondant pas aux exigences en matière de dossiers de l’article 38 du Règlement, empêchant ainsi l’agent d’application de la loi de vérifier la « conformité à toutes les normes réglementaires applicables » du véhicule visé, aux termes de l’alinéa en question.

Les observations de la demanderesse

[46]       La demanderesse soutient que le ministre n’est pas parvenu à prouver que la violation alléguée dans ses procès‑verbaux a été commise, car il n’a introduit aucune preuve pour établir qu’elle avait violé l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

[47]       FCA soutient que, contrairement à ce qui est affirmé dans les observations d’ECCC, il n’y a pas d’entente quant au fait que les dossiers demandés au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE n’ont pas été fournis le ou avant le 18 juin 2021. Non seulement la demanderesse affirme-t-elle que les documents ont été produits, mais elle soutient qu’il n’existe dans le dossier aucune preuve des violations.

[48]       La demanderesse invoque l’arrêt Doyon[4], où, selon elle, la Cour a reconnu la nécessité que, lors de la révision des pénalités, le décideur analyse avec circonspection les éléments constitutifs de l’infraction ainsi que le lien de causalité, et s’assure que les faits confirment la commission de l’infraction. Sans une telle preuve, soutient la demanderesse, le Tribunal se doit de conclure que le ministre n’est pas parvenu à prouver qu’elle a violé l’alinéa 153(1)g) de la LCPE et que, de ce fait, les procès‑verbaux doivent être annulés.

[49]       ECCC a fait état, dans les procès‑verbaux, de certains dossiers qu’il avait demandés et qui, est‑il allégué, n’avaient pas été fournis au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, mais le ministre n’est pas parvenu à soumettre au Tribunal une preuve quelconque : i) des dossiers précis que la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC avait demandés, ii) du fait que la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC n’avait pas reçu ces dossiers avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, iii) du fait que ces dossiers avaient trait à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement, et iv) du fait que ces dossiers sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

[50]       À l’appui de sa position, la demanderesse formule des observations au sujet de chaque catégorie de documents qui n’ont censément pas été fournis.

Les documents concernant l’élément 3a)(ii)

[51]       FCA signale que le procès‑verbal cite le sous‑alinéa 3a)(ii) de la mise en demeure ministérielle datée du 1er octobre 2020 comme fondement de la violation, car il se rapporte à des copies de dossiers fournis à l’EPA au soutien de la demande de certificat de l’EPA.

[52]       La demanderesse déclare que, dans les procès‑verbaux, ECCC fait référence à plusieurs dossiers qui, soutient‑il, ne lui ont pas été fournis. Premièrement, le procès-verbal ne comporte pas d’autres détails concernant les documents qui n’ont pas été fournis. La lettre du 13 mai 2021 d’ECCC ne fait référence qu’à [traduction] « des documents potentiellement manquants » et au fait que [traduction] « des précisions s’imposent quant aux renseignements potentiellement manquants ». FCA soutient qu’ECCC a reçu des dossiers en lien avec cet élément, mais qu’il a cru qu’il y avait des documents [traduction] « potentiellement » manquants en lien avec les éléments mentionnés dans sa réponse. FCA soutient qu’il n’y a pas d’autre preuve dans le dossier au sujet des dossiers manquants, pas plus qu’ECCC ne semble sûr qu’il manque effectivement des dossiers. Bien qu’ECCC fasse référence au fait d’avoir fourni de plus amples détails à Cummings, la demanderesse n’a pas eu connaissance de ces discussions. Au vu d’éléments de preuve que la demanderesse a fournis, Cummings a effectivement fourni des renseignements supplémentaires à ECCC après la lettre datée du 13 mai 2021 et avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, et elle a cherché à de multiples occasions à obtenir des précisions d’ECCC et une confirmation que la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC avait reçu les renseignements demandés entre le 18 juin et le 17 août 2021, mais elle n’a reçu aucune véritable réponse d’ECCC.

[53]       Dans ce contexte, soutient FCA, il n’existe aucune preuve que la demanderesse n’a pas fourni à ECCC les dossiers demandés, en lien avec l’élément 3a)(ii), avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, et aucun dossier précis n’est mentionné comme manquant, mais juste la [traduction] « possibilité » que de tels dossiers soient manquants, ce qui est nettement loin d’être une preuve que les dossiers en question n’ont pas été fournis.

[54]       FCA soutient qu’il n’existe dans le dossier aucune preuve que de tels documents [traduction] « potentiellement manquants » ont trait à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement, et qu’ils sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables, comme l’exige l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

Les documents concernant l’élément 3f)

[55]       FCA signale que, dans les procès‑verbaux, ECCC fait référence à l’élément 3f) — [traduction] « Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM ». Elle soutient que les procès‑verbaux ne comportent pas d’autres détails, mais que la lettre du 13 mai 2021 d’ECCC fait état de la réception de documents de Cummins se rapportant à d’autres dossiers demandés et mentionne ce qui suit : [traduction] « ECCC souhaite recevoir des documents plus détaillés pour vérifier la conformité aux normes applicables ». Il semble donc, d’après FAC, qu’ECCC a reçu des dossiers qui lui ont fourni des renseignements pertinents, mais qu’il n’a pas cru que ces dossiers étaient suffisamment détaillés. Aucune indication n’est donnée quant aux détails manquants. La seule preuve au dossier est que Cummins a effectivement fourni des renseignements supplémentaires à ECCC avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 et qu’elle a cherché à de multiples occasions à obtenir des éclaircissements d’ECCC et une confirmation que celui-ci avait reçu les renseignements demandés entre le 18 juin et le 17 août 2021, mais qu’elle n’a reçu aucune véritable réponse. FCA soutient qu’il n’y a aucune preuve que la demanderesse n’a pas fourni à ECCC les dossiers demandés avant l’expiration du délai.

[56]       FCA est d’avis qu’aucune preuve dans le dossier n’établit que les autres détails demandés se rapportent à la conception, à la fabrication, aux essais et au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement et que ces détails sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

Les documents concernant l’élément 3g)

[57]       FCA signale que, dans les procès‑verbaux, ECCC fait référence à l’élément 3g) — [traduction] « Tout échange de renseignements supplémentaires (reçus et envoyés) avec les organismes de réglementation des États‑Unis (l’Environmental Protection Agency, le département de la Justice et la California Air Resources Board), relativement aux modèles Ram 2500 et 3500 de l’année modèle 2019, munis du moteur turbodiesel de 6,7 l de Cummins ».

[58]       FCA soutient que les procès‑verbaux ne comportent pas d’autres détails quant aux documents qui sont manquants, mais que la lettre du 13 mai 2021 d’ECCC fait état de la réception de [traduction] « quelques documents » de Cummins qui seraient considérés comme pertinents en rapport avec cet élément demandé, mais [traduction] « il y a un soupçon quant à l’existence possible de plus de documents, d’après d’autres références trouvées dans les renseignements fournis à ECCC ». ECCC fait référence au fait d’être tombé antérieurement sur des échanges liés à des discussions avec les organismes de réglementation américains, mais sans préciser si ces discussions ont un lien avec le présent dossier ou avec d’autres dossiers qui n’ont aucun rapport avec la présente affaire et il conclut qu’il [traduction] « est peu probable que nous ayons reçu tous les renseignements demandés pour cet élément ».

[59]       FCA soutient qu’il semble donc que la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a reçu des dossiers qui lui ont fourni des renseignements, mais que celle‑ci [traduction] « soupçonnait » l’existence de plus de dossiers. La seule preuve au dossier démontre que Cummins a bel et bien fourni des renseignements supplémentaires à ECCC après la lettre datée du 13 mai 2021 et avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, et qu’elle a cherché à de multiples occasions à obtenir des éclaircissements d’ECCC et une confirmation que celui‑ci avait reçu les renseignements demandés, mais sans réponse aucune. FCA soutient qu’il n’y a aucune preuve que les dossiers supplémentaires existent effectivement et, par conséquent, aucune preuve que les dossiers demandés n’ont pas été fournis à ECCC.

[60]       FCA soutient qu’il n’y a dans le dossier aucune preuve qui établit que les échanges de renseignements demandés (qui ne se limitent même pas à des questions de conformité) sont liés à la conception, à la fabrication, aux essais et au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement et que ces échanges sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

Les documents concernant l’élément 3h)

[61]       FCA signale que, dans les procès‑verbaux, ECCC fait référence à l’élément 3h) — [traduction] « Tout renseignement concernant les divers calibrages du module de réduction des émissions qui sont disponibles depuis son lancement sur le marché, ainsi qu’un résumé des modifications effectuées entre chaque révision du calibrage. » FCA soutient que les procès‑verbaux ne fournissent pas d’autres détails, mais que la lettre du 13 mai 2021 d’ECCC fait référence à la réception de [traduction] « renseignements limités » de Cummins, dont un sommaire des changements de calibrage du moteur, et allègue qu’il y a de [traduction] « multiples autres changements de calibrage » pour lesquels aucun renseignement supplémentaire n’a été fourni, à part les dossiers visés par l’élément 3a)(ii). FCA soutient qu’ECCC ne précise pas pourquoi les dossiers qu’il a reçus en réponse à cet élément, dans le cadre de la réponse à l’élément 3a)(ii), sont insuffisants. Elle ajoute que la seule preuve au dossier démontre que Cummins a bel et bien fourni des renseignements supplémentaires avant l’expiration du délai du 18 juin 2021. FCA soutient qu’il n’y a aucune preuve que les dossiers supplémentaires n’ont pas été fournis à ECCC avant l’expiration du délai.

[62]       FCA soutient qu’il n’y a dans le dossier aucune preuve qui établit que les changements de calibrage ont trait à la conception, à la fabrication, aux essais et au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement et que ces changements sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

[63]       En résumé, FCA soutient que, bien que le ministre ait fait état de certains dossiers qu’ECCC avait demandés et qui, est‑il allégué, n’avaient pas été fournis au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, il n’a soumis au Tribunal aucune preuve : i) des dossiers précis qu’ECCC avait demandés, ii) qu’ECCC n’avait pas reçu ces dossiers avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, iii) que ces dossiers avaient trait à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain du véhicule, du moteur ou de l’équipement, et iv) que ces dossiers étaient nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

Analyse et conclusions concernant la première question

ECCC s’est‑il acquitté, selon la prépondérance des probabilités, de son fardeau de preuve relativement à chacune des quatre catégories de documents énumérées dans les procès‑verbaux?

Aperçu

[64]       Les parties ne contestent pas le fait qu’ECCC a demandé quatre catégories de documents, lesquelles sont exposées dans les procès‑verbaux. La demanderesse déclare qu’ECCC ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que les violations déclarées avaient été commises dans le cas de l’une quelconque de ces quatre catégories. ECCC soutient qu’il s’est acquitté de son fardeau.

[65]       Tant la LPAME[5] que la jurisprudence[6] prescrivent que le rôle des réviseurs consiste à décider si une violation a été commise et si la pénalité administrative a été calculée correctement. Comme il a été indiqué plus tôt, la question de savoir si la pénalité administrative a été calculée correctement n’est pas en litige dans la présente révision.

[66]       Le paragraphe 20(2) de la LPAME soutient qu’il appartient à ECCC d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les éléments de la violation sont présents.

[67]       Le rôle du Tribunal consiste donc à décider si ECCC a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse a violé l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, c’est‑à‑dire apposer une marque nationale sur un véhicule, un moteur ou un équipement et vendre ou importer un tel véhicule, moteur ou équipement ainsi marqué, sans tenir et fournir des dossiers précis. Plus simplement, la question en litige est de savoir si ECCC a établi que FCA, selon la prépondérance des probabilités, n’a pas tenu et fourni les dossiers conformément au règlement, de façon à permettre aux agents d’application de la loi de vérifier si l’équipement en question est conforme aux normes réglementaires, selon la demande présentée au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

[68]       Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut qu’ECCC a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il reste toujours des dossiers précis à fournir, par rapport à ceux qui ont été demandés dans la mise en demeure ministérielle du 1er octobre 2021. Bien qu’il puisse y avoir un certain manque de précisions quant aux dossiers manquants, le Tribunal conclut, sur la foi du dossier de preuve et selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a des documents qui n’ont pas été fournis avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 qu’ECCC a imposé.

Les trois points à examiner pour répondre à la première question

[69]       Les observations de FCA reposent sur la thèse qu’ECCC n’a pas établi que les violations avaient été commises. Plus précisément, la demanderesse déclare qu’ECCC n’a pas établi que les dossiers demandés n’avaient pas été fournis au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, en ce sens qu’il n’a pas établi :

(i) que les dossiers qu’ECCC avait demandés le 13 mai 2021 avaient été identifiés avec suffisamment de précisions pour que la demanderesse sache ce qu’il demandait;

(ii) quels dossiers demandés n’avaient pas été fournis avant l’expiration du délai du 18 juin 2021, de façon à ce que le Tribunal puisse apprécier si ces dossiers lui avaient été fournis ou non;

(iii) que les dossiers identifiés avaient trait « à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain » du véhicule, du moteur ou de l’équipement;

(iv) que les dossiers identifiés étaient nécessaires en vue de permettre à un agent d’application de la loi de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables et de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

[70]       Pour traiter de ces observations, le Tribunal recadre ces quatre points en trois questions :

Première question : ECCC a‑t‑il fourni suffisamment de précisions pour pouvoir déterminer quels documents il restait à fournir?

Deuxième question : ECCC a‑t‑il établi qu’il restait des documents à fournir, étant donné que FCA et/ou Cummins soutiennent que des documents avaient été produits avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 et qu’ils répondaient de manière appropriée à la mise en demeure ministérielle?

Troisième question : ECCC s’est‑il acquitté du fardeau d’établir que les renseignements demandés étaient nécessaires pour atteindre l’objectif qu’il visait, soit d’apprécier la conformité à la loi canadienne?

Conclusion préliminaire — S’il suffit à ECCC d’établir que certains documents, tel qu’il est allégué, n’ont pas été fournis, pas nécessairement la totalité d’entre eux.

[71]       Lors des plaidoiries, le Tribunal a demandé qu’on lui fasse part d’observations sur la question de savoir si ECCC était tenu d’établir qu’il y avait des dossiers manquants pour chacune des catégories de renseignements ou juste pour une catégorie en particulier. Autrement dit, était‑il nécessaire qu’ECCC établisse que la totalité des documents n’avait pas été fournie, ou est-il suffisant pour s’acquitter du fardeau de preuve d’établir que seule une partie des documents n’avait pas été fournie?

[72]       Selon l’interprétation que fait le Tribunal des observations de la demanderesse, ECCC est tenu d’établir que la totalité des documents mentionnés doit être fournie, parce qu’ils sont tous interdépendants, en ce sens qu’ils sont tous nécessaires pour pouvoir établir la conformité aux normes applicables.

[73]       ECCC soutient que les allégations formulées dans les procès‑verbaux sont établies, pour autant que le Tribunal conclue que l’un des documents demandés n’a pas été fourni. ECCC déclare qu’il lui faut apprécier le dossier dans son ensemble pour pouvoir déterminer si la preuve a été présentée; de ce fait, s’il est conclu qu’il manque un document en particulier, cela serait suffisant pour établir les violations.

Conclusions — ECCC est uniquement tenu d’établir que certains documents, tel qu’il a été allégué, n’ont pas été fournis

[74]       Le Tribunal conclut qu’il suffit, pour établir les violations, qu’ECCC établisse uniquement que certains des dossiers dont il avait fait la demande et qui sont mentionnés dans chacun des procès‑verbaux n’ont pas été fournis avant le délai prescrit. Chaque procès‑verbal mentionnait qu’une demande de dossiers avait été présentée sous le régime de la LCPE le 1er octobre 2021, et qu’à l’expiration du délai du 4 décembre 2020, [traduction] « il a été déterminé que les renseignements fournis étaient incomplets ».

[75]       De ce fait, le Tribunal conclut qu’il est suffisant de répondre aux questions posées ci‑dessus relativement à seulement deux des quatre catégories de renseignements. Le Tribunal se concentrera sur les deux catégories de renseignements qui suivent, soit les éléments 3f) et g) :

3. Renseignements concernant le véhicule d’essai en la possession d’ECCC :

f. Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM.

g. Tout échange de renseignements supplémentaires (reçus et envoyés) avec les organismes de réglementation des États‑Unis (l’Environmental Protection Agency, le département de la Justice et la California Air Resources Board), relativement aux modèles Ram 2500 et 3500 de l’année modèle 2019, munis du moteur turbodiesel de 6,7 l de Cummins.

Première question : ECCC a‑t‑il fourni suffisamment de précisions pour pouvoir déterminer quels documents il restait à fournir?

[76]       La lettre du 1er octobre 2020 qu’a envoyée la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, et qui faisait référence à la mise en demeure ministérielle, exposait une liste de documents dont ECCC avait besoin pour pouvoir vérifier la conformité aux normes applicables.

[77]       ECCC a ensuite envoyé une lettre de suivi le 13 mai 2021. Pour les besoins de la présente révision, la lettre du 13 mai 2021 d’ECCC est importante, parce qu’elle comporte la réponse d’ECCC au sujet des documents qu’il restait à fournir et qui devaient avoir été transmis avant l’expiration du délai du 18 juin 2021. Elle est également importante, parce que, pour chaque catégorie de documents demandés, c’est sur cette lettre que se fonde la demanderesse pour faire valoir qu’ECCC ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir les violations, en raison du fait qu’il n’a pas indiqué de manière suffisamment précise quels documents, le cas échéant, il restait à fournir.

Conclusions concernant l’élément 3f) — [traduction] « Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM »

[78]       Le 1er octobre 2020, ECCC a demandé par la voie d’une mise en demeure ministérielle que FCA fournisse des documents énumérés sous l’élément 3f), à savoir [traduction] « Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM ». Le 13 mai 2021, ECCC a envoyé à la demanderesse une lettre exposant les documents qui n’avaient pas été fournis en réponse à sa mise en demeure du 1er octobre 2020. Pour ce qui est de l’élément 3f), la lettre de suivi, qui comporte un délai révisé et apparemment final, indique ceci :

[traduction]
« Ces documents n’ont été fournis ni par FCA Canada ni par MacMillan. Plutôt que de fournir les documents demandés, Macmillan a fait référence aux documents demandés et fournis dans le cadre de l’élément 3a)(ii) de cette demande, mais ECCC souhaite recevoir des documents plus détaillés afin de pouvoir vérifier la conformité aux normes applicables. »

[79]       La demanderesse soutient qu’ECCC ne s’est pas acquitté de son fardeau, parce que, fait‑elle valoir, Cummins lui a bel et bien envoyé des dossiers pour répondre à la demande, mais ECCC n’a pas fourni suffisamment de détails pour indiquer quels autres documents, le cas échéant, étaient requis. FCA soutient qu’il n’existe aucune preuve que la demanderesse n’a pas fourni les dossiers demandés à ECCC, relativement à l’élément 3f), avant l’expiration du délai du 18 juin 2021.

[80]       Le Tribunal conclut que, pour cette catégorie de documents, il y a suffisamment de précisions pour que la demanderesse sache quels documents étaient demandés ou, autrement dit, lesquels n’ont pas été fournis en réponse à la mise en demeure ministérielle.

[81]       La mise en demeure ministérielle exposait la catégorie de documents qui étaient requis par ECCC et qui figuraient dans les procès‑verbaux. La lettre d’ECC du 13 mai 2021, citée précédemment, visait à fournir des précisions sur les documents qu’il restait à fournir. Elle signalait que les documents n’avaient pas été fournis et ajoutait ceci : [traduction] « Plutôt que de fournir les documents demandés, Macmillan a fait référence aux documents demandés et fournis dans le cadre de l’élément 3a)(ii) de cette demande, mais ECCC souhaite recevoir des documents plus détaillés afin de vérifier la conformité aux normes applicables ». (Non souligné dans l’original.) Le texte aurait pu être plus précis, mais le Tribunal conclut qu’il y a suffisamment de certitude pour permettre de se conformer à la demande. ECCC indique clairement qu’elle demande les documents auxquels Macmillan a fait référence, et que ces documents fourniront davantage de détails pour vérifier la conformité aux normes applicables.

Conclusions concernant l’élément 3g) — Tout échange de renseignements supplémentaires (reçus et envoyés) avec les organismes de réglementation des États‑Unis (l’Environmental Protection Agency, le département de la Justice et la California Air Resources Board), relativement aux modèles Ram 2500 et 3500 de l’année modèle 2019, munis du moteur turbodiesel de 6,7 l de Cummins.

[82]       La mise en demeure ministérielle du 1er octobre 2020 demandait à FCA de fournir des documents visés par l’élément 3g), soit [traduction] « Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM ». Le 13 mai 2021, ECCC a envoyé à la demanderesse une lettre exposant les documents qui n’avaient pas été fournis en réponse à sa mise en demeure du 1er octobre 2020. Pour ce qui est de l’élément 3f), la lettre de suivi du 13 mai 2021 d’ECCC, qui comportait un délai révisé et final, mentionnait ceci :

[traduction]
FCA Canada a fait référence à ce qui suit dans la lettre du 1er décembre 2020 :

Pour ce qui est du reste des demandes figurant à l’élément no 3 de votre lettre, nous comprenons que Cummins Inc. a communiqué avec vous, et aussi qu’elle est en train de compiler ces renseignements et qu’elle vous les fera parvenir directement sous pli distinct.

Cependant, MacMillan, qui a répondu au nom de Cummins Inc., n’a pas fait référence à cet élément g) dans sa lettre du 2 décembre 2020. MacMillan a effectivement fourni quelques documents qui pourraient être considérés comme pertinents en rapport avec cet élément, mais nous soupçonnons qu’il y a peut‑être d’autres documents, d’après d’autres références trouvées dans les renseignements fournis à ECCC. ECCC est tombé antérieurement sur des échanges écrits, comme une lettre comportant des questions et/ou des réponses, des diaporamas, etc. qui se rapportaient à des discussions avec les organismes de réglementation américains, lesquelles font partie de cette demande. Il est donc peu probable que nous ayons reçu la totalité des renseignements demandés en lien avec cet élément.

[83]       Le Tribunal ne souscrit pas aux observations de FCA selon lesquelles ECCC n’a pas établi la violation, du fait que l’on [traduction] « soupçonne » seulement qu’il manque quelques documents et qu’ECCC n’a pas établi qu’il existait bel et bien d’autres dossiers et que les dossiers demandés ne lui avaient pas été fournis.

[84]       Bien que la demanderesse fasse mention de quelques mots ou passages précis, comme [traduction] « nous soupçonnons qu’il y a peut‑être d’autres documents […] », qui peuvent dénoter une certaine incertitude de la part d’ECCC quant aux documents qu’il reste à fournir, le Tribunal conclut que la lettre du 13 mai 2021 est suffisamment claire pour indiquer quels documents doivent être fournis pour correspondre à la catégorie de documents exigés dans la mise en demeure du 1er octobre 2020. Plus précisément, ECCC signale qu’il existe des documents [traduction] « d’après d’autres références trouvées dans les renseignements fournis à ECCC » et qu’il [traduction] « est tombé antérieurement sur des échanges écrits, comme une lettre comportant des questions et/ou des réponses, des diaporamas, etc. qui se rapportaient à des discussions avec les organismes de réglementation américains […] ».

[85]       ECCC aurait pu être plus spécifique ou expliquer ses attentes de manière plus précise, mais le Tribunal conclut que, selon toute vraisemblance, le texte de la lettre du 13 mai 2021, de pair avec le titre de la catégorie : [traduction] « Les documents relatifs aux stratégies de réduction des émissions par le PCM », comporte assez de renseignements pour établir qu’il y a des documents énoncés dans la mise en demeure ministérielle qu’il reste à fournir. Le Tribunal convient que la demanderesse fait valoir que certains documents ont été fournis à l’intérieur de ce délai, mais qu’ECCC n’a pas fourni plus de précisions quant aux autres documents qui étaient exigés. Comme nous le verrons plus loin, à la quatrième question, la question de savoir si les documents que FCA ou Cummins ont fournis étaient suffisants pour établir la conformité est une question qui se rapporte au pouvoir discrétionnaire que peut exercer la Direction générale de l’application de la loi, et non une question que le Tribunal tranchera.

[86]       Le Tribunal conclut donc qu’en ce qui concerne les catégories de documents visés par les éléments 3f) et g), ECCC a donné assez de certitude pour permettre à la demanderesse de savoir quels étaient les documents qu’il lui fallait fournir à la suite de la demande présentée par ECCC au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

Deuxième question : ECCC a‑t‑il établi qu’il restait des documents à fournir, étant donné que FCA et/ou Cummins soutiennent que des documents avaient été fournis avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 et qu’ils répondaient de manière appropriée à la mise en demeure ministérielle?

[87]       Un autre élément de l’argument qu’invoque la demanderesse est que de nombreux documents ont été fournis avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 et que, si l’on se fonde sur la soumission de ces documents, il y a eu conformité aux normes applicables. Elle soutient que les documents demandés ont été présentés, et qu’étant donné qu’il n’y a eu aucune communication de la part d’ECCC, celui-ci ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il restait des documents à fournir. FCA fait valoir qu’elle croyait qu’ECCC avait en main, avant la date limite fixée, tous les documents dont il avait besoin pour établir la conformité aux normes applicables et que, si ECCC n’était pas satisfait des documents supplémentaires, il aurait dû en aviser FCA avant l’expiration du délai ou au moment de celle‑ci.

[88]       Le Tribunal conclut que la demanderesse savait ou aurait dû savoir qu’il restait des documents à fournir. Cette conclusion repose en partie sur l’affidavit[7] de l’avocate de Cummins qui a été produit en preuve et qui donnait plus de détails au sujet des échanges qu’il y avait eus entre Cummins et ECCC avant l’expiration du délai du 18 juin 2021. Selon une lettre jointe à l’affidavit, FCA a informé Cummins le 18 mai 2021 qu’il y avait d’autres réponses à fournir à ECCC le ou avant le 18 juin 2021. La lettre mentionne que, le 1er juin 2021, ECCC a transmis un document comportant 13 questions de suivi. La lettre souligne que la demande d’ECCC vise à obtenir la date du code source, lequel est hautement confidentiel et constitue un secret commercial, concernant la [traduction] « camionnette RAM de l’AM19 », [traduction] « entre autres demandes ». Le document ajoute ensuite ce qui suit :

[traduction]
Le 18 juin 2021, Cummins, par l’entremise de McMillan, a répondu de manière exhaustive à 10 des 13 questions de suivi d’ECCC, et elle a livré 2 666 pages de documents. Ayant conclu que les questions restantes étaient soit très générales soit ambiguës quant à ce qu’ECCC voulait et, pour ce qui était de la demande de code source, difficile à mettre en œuvre d'un point de vue technique, Cummins a sollicité un appel téléphonique avec ECCC pour discuter de deux des questions restantes. Dans cette même lettre, Cummins a avisé ECCC qu’elle devait effectuer une enquête plus approfondie au sein de l’entreprise pour formuler une réponse à la troisième question, qui demandait des copies d’échanges avec les organismes de réglementation américains.

[89]       Le Tribunal prend acte des efforts déployés par Cummins pour se conformer à la demande d’ECCC, mais il y a deux commentaires qu’il convient de mettre en évidence. Premièrement, des renseignements figurant dans l’affidavit confirment que Cummins a reconnu qu’il restait des documents à fournir, tout en remettant en cause, d’un point de vue juridique et technique, le fait de pouvoir les présenter à ECCC. Néanmoins, il convient de rappeler que la mise en demeure ministérielle était datée du 1er octobre 2020 et assortie d’un délai de 40 jours. Ces délais avaient ensuite été prorogés à six mois. Il est évident quECCC a considéré que le 18 juin 2021 était la date finale pour la fourniture des documents répondant à sa première demande au titre de l’alinéa 153(1)g). C’est à cette date qu’ECCC, exerçant son pouvoir discrétionnaire d’application de la loi, a décidé qu’il n’y aurait pas d’autres prorogations. Autrement dit, il semble qu’ECCC n’était plus disposé à négocier ou à collaborer dans le cadre des discussions concernant quels autres documents devaient être fournis en réponse à sa demande officielle de documents.

[90]       Deuxièmement, comme l’a conclu le Tribunal dans le cadre de la deuxième question analysée ci‑après, c’est à la demanderesse, et non à Cummins, qu’incombait la responsabilité légale de fournir les documents au titre du paragraphe 153(1) de la LCPE, et ce, même si ces documents se trouvaient en la possession d’une tierce partie. FCA est obligée de tenir les documents requis, dans le cadre de l’autorisation du ministre d’apposer la marque nationale, sous le régime de l’article 7 du Règlement. La demande en cause en l’espèce mentionne que les dossiers visés à l’article 38 du Règlement seront tenus à un endroit précis, à Windsor, en Ontario. En bref, Cummins possédait les renseignements et elle interagissait même avec ECCC, mais c’est à FCA qu’incombait la responsabilité ultime de la conformité à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

[91]       Le Tribunal conclut qu’ECCC a établi qu’il restait des documents à fournir en date du 18 juin 2021. Cummins savait que certains documents et renseignements étaient à fournir et, comme il a déjà été mentionné, il incombait en fin de compte à FCA de veiller à ce que l’on réponde aux demandes présentées au titre de l’alinéa 153(1)g).

Troisième question : ECCC s’est‑il acquitté du fardeau d’établir que les renseignements demandés étaient nécessaires pour accomplir l’objectif qu’il visait, soit d’apprécier la conformité à la loi canadienne?

[92]       FCA fait valoir qu’ECCC ne s’est pas acquitté de son fardeau, parce qu’il n’existe dans le dossier aucune preuve établissant que les documents supplémentaires demandés sont nécessaires en vue de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables ainsi que de faciliter la détection et l’analyse des défauts liés à la conformité aux normes applicables.

[93]       Le Tribunal ne souscrit pas à l’argument de FCA. La mise en demeure ministérielle d’ECCC et la lettre de suivi du 13 mai 2021 signalent toutes deux que [traduction] « les renseignements sont nécessaires pour vérifier la conformité à la section 5 de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, et au Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs, DORS/2003‑2 ».

[94]       Il appert de l’examen du dossier de preuve que la question de savoir si tous les documents étaient nécessaires pour vérifier la conformité n’a été soulevée d’aucune manière sérieuse, dans les lettres que se sont échangées ECCC et FCA, entre le moment où la demande initiale a été faite, en octobre 2019, et celui où les derniers documents ont été soumis, le 18 juin 2021. Plutôt que de contester la nécessité des renseignements en premier lieu quand ECCC a avisé FCA des demandes potentielles, ou quand la mise en demeure a été envoyée en octobre 2020, FCA ne met au défi ECCC d’établir la nécessité de ces renseignements qu’après l’expiration du délai fixé pour le dernier envoi de documents. Il n’existe aucune preuve de contestation directe de la demande d’ECCC avant la délivrance des procès‑verbaux.

[95]       L’article 153 oblige la demanderesse à tenir et à fournir des dossiers conformément au règlement, en vue de permettre aux agents d’application de la loi de procéder aux vérifications de conformité aux normes réglementaires. Il est raisonnable de présumer que tous les documents demandés sont requis pour une fin législative appropriée. Si une partie souhaite contester une demande relative aux documents, il est raisonnable que cette contestation survienne avant l’expiration du délai final fixé pour la fourniture des dossiers demandés, et après lequel elle commet une infraction pour ne pas avoir produit les documents avant l’expiration de ce délai. Le Tribunal conclut que la demanderesse aurait dû contester la demande entre le mois d’octobre 2019 et le 18 juin 2021. Le Tribunal conclut qu’il est présumé que les documents demandés sont requis pour une fin législative appropriée.

Deuxième question : l’interprétation que fait le ministre de l’alinéa 153(1)g) est‑elle contraire aux principes d’interprétation législative?

Les observations de la demanderesse

[96]       La demanderesse soutient qu’une entreprise peut [traduction] « tenir et fournir » des dossiers en faisant en sorte que ce soit la tierce partie qui possède les renseignements exclusifs qui les fournisse. Elle fait valoir que la manière dont le ministre interprète l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, à savoir que la demanderesse se doit de tenir elle-même la totalité des dossiers, ne concorde pas avec la réalité de l’industrie.

[97]       La demanderesse soutient qu’il convient généralement d’interpréter les lois visant le bien‑être public d’une manière libérale, qui donne effet à leur objet général. Elle ajoute qu’un libellé large peut parfois conduire à une extension de la législation au‑delà de ce que le législateur envisageait et à procurer au gouvernement des pouvoirs nettement supérieurs à ceux qui sont nécessaires. Elle invoque l’arrêt Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd[8], où la Cour a jugé qu’il était important de prendre en considération les principes énoncés dans la Loi d’interprétation, que chaque loi est réputée apporter une solution de droit et que chacune doit s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de ses objets selon ses sens, intention et esprit véritables.

[98]       La demanderesse soutient qu’il faut interpréter l’alinéa 153(1)g) de la LCPE d’une manière qui concorde avec ces principes d’interprétation et en tenant compte des effets de son interprétation. Elle ne souscrit pas à la position d’ECCC selon laquelle c’est à elle qu’il incombe personnellement de tenir et de fournir tous les dossiers visés à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE. Selon la demanderesse, cette obligation ne concorde pas avec la réalité de l’industrie de l’automobile et du camion au Canada, où un grand nombre d’entreprises utilisent des moteurs et d’autres pièces fabriqués par des entreprises qui sont situées à l’étranger. FCA déclare que les dossiers qui doivent être tenus au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE contiennent des renseignements hautement confidentiels et exclusifs, et elle soutient que les détenteurs de ces renseignements ne communiqueront ou ne fourniront pas ces dossiers à d’autres, quelles que soient les circonstances. C’est le cas de Cummins. Une entreprise peut [traduction] « tenir et fournir » des dossiers en faisant en sorte que ce soit la tierce partie qui possède les renseignements exclusifs qui fournisse les renseignements demandés.

[99]       FCA soutient qu’ECCC a reconnu la difficulté qu’il y avait, en soi, à traiter de ces renseignements confidentiels et qu’il a convenu de communiquer directement avec Cummins, une mesure qui a aussi été bénéfique pour la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, en ce sens que cela lui a permis d’interagir directement avec le créateur des dossiers, de poser des questions et de mieux comprendre les dossiers. Elle ajoute qu’ECCC n’aurait pas communiqué avec une tierce partie au sujet des renseignements si cela n’avait pas été le cas. La demanderesse déclare qu’elle a demandé et obtenu rapidement la collaboration de Cummins quant à la réponse aux demandes de la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC et que, de la même façon, Cummins a répondu à toutes les demandes d’ECCC.

[100]    FCA soutient que toute interprétation de l’alinéa 153(1)g) qui exige que la demanderesse tienne et fournisse des dossiers confidentiels se trouvant en la possession d’un fabricant tiers doit être rejetée, parce qu’il s’agit d’une impossibilité, incompatible avec l’esprit de la LCPE, et que cela mènerait à une absurdité. Elle déclare que la majeure partie des fabricants et des importateurs de véhicules au Canada utilisent des moteurs ou de l’équipement fabriqués par des tiers, qui protègent tous avec soin leurs dossiers exclusifs et confidentiels concernant les moteurs et l’équipement et qui ne divulgueraient jamais ces renseignements à des tiers. Une telle interprétation, soutient-elle, aurait pour effet qu’aucun fournisseur de véhicules canadien n’utiliserait un moteur produit par une tierce partie, même si ce moteur détenait un certificat de conformité valide, délivré par l’EPA des États‑Unis. Cela n’était certes pas l’intention de la LCPE, et une telle mesure mettrait concrètement de nombreux fabricants et importateurs de véhicules canadiens dans une situation de violation de la LCPE, parce qu’il leur serait impossible de tenir ou de fournir personnellement les dossiers demandés.

Les observations d’ECCC

[101]    ECCC soutient qu’une bonne part de l’argumentation avancée par la demanderesse concerne le fait que, de son propre aveu, la [traduction] « grande majorité » des dossiers se trouvait en la possession de Cummins, et non de la demanderesse. ECCC ajoute que cela traduit simplement le fait que la demanderesse a contrevenu à la LCPE et à l’article 38 du Règlement en ne tenant pas les dossiers auxquels il est fait référence à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

[102]    ECCC soutient que Cummins n’est pas réglementée par lui ni responsable de produire et de lui fournir des renseignements quelconques. C’est à la partie assujettie à la réglementation au Canada qu’il incombe de se conformer à celle‑ci, y compris la LCPE. Cela étant, il n’y a rien d’inéquitable, d’injustifié ou d’arbitraire à exiger que la demanderesse réponde à ses propres obligations en matière de conformité réglementaire. Invoquant la décision R c Canadian Tire Corp Ltd[9], ECCC soutient que cette dernière appuie la proposition selon laquelle il faut considérer avec [traduction] « suspicion » le fait de diluer la protection du public en rejetant sur une tierce partie la responsabilité de la conformité à la réglementation. ECCC invoque la décision Canadian Tire, qui s’inspire de l’arrêt R v Sault Ste Marie, lequel établit le principe qu’une partie assujettie à la réglementation ne peut pas se fier au fait d’avoir confié à un tiers la responsabilité d’assurer la conformité réglementaire. La Cour suprême du Canada a jugé qu’au lieu de déléguer le contrôle, « ceux qui ont la responsabilité d’activités commerciales » doivent néanmoins exercer un contrôle par [traduction] « la surveillance ou l’inspection, par l’amélioration des méthodes commerciales ou par des recommandations à ceux qu’on peut espérer influencer ou contrôler ».

[103]    ECCC soutient que la demanderesse est demeurée en tout temps responsable de la conformité à la LCPE et au Règlement.

Analyse et conclusions concernant la deuxième question

[104]    Le Tribunal est conscient que l’industrie canadienne peut avoir de la difficulté à répondre aux demandes formulées au titre de l’alinéa 153(1)g) de la LCPE, mais il ne souscrit pas à la manière dont la demanderesse interprète cette disposition.

[105]    L’élément central de l’alinéa 153(1)f) de la LCPE est qu’une entreprise ne peut apposer une marque nationale sur un véhicule, un moteur ou un équipement, ou vendre ou importer un véhicule, un moteur ou un équipement avec une telle marque, sauf si certains dossiers sont tenus sous une forme et en conformité à la réglementation. Le Tribunal signale que la demanderesse a obtenu du ministre l’autorisation d’apposer la marque nationale au titre de l’article 7 du Règlement. Comme le souligne la demanderesse, cette disposition implique qu’une entreprise canadienne peut avoir besoin d’accéder à des dossiers confidentiels ou exclusifs que tient une tierce partie (comme, en l’occurrence, un fournisseur de moteurs étranger) pour pouvoir se conformer à l’autorisation du ministre.

[106]    Tout en se fondant sur l’arrêt Rizzo, la demanderesse invite le Tribunal à adopter une interprétation réparatrice qui permettra le mieux de réaliser les objets de la LCPE, en fonction de son intention, de son sens et de son esprit véritables. Contrairement à ce qu’avance la demanderesse, le Tribunal n’est pas convaincu que le législateur n’était pas au fait des répercussions de cette disposition de la LCPE. Aucune preuve n’a été présentée qui donne à entendre que le législateur avait l’intention d’exclure les intérêts étrangers des pouvoirs de collecte de renseignements que prévoit la LCPE. Le Tribunal préfère se fonder sur le sens ordinaire et littéral des mots de l’alinéa 153(1)f), qui commence par « Pour une entreprise […] ». Il n’y a aucune précision quant à la nationalité de l’« entreprise ».

[107]    En outre, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’adopter une approche réparatrice à l’égard de l’interprétation législative, comme le prône la demanderesse, car l’interprétation large et inclusive du mot « entreprise » correspond davantage aux objets de la LCPE. Dans son long préambule, la LCPE expose le contexte dans lequel elle s’inscrit :

[Attendu :]

[…]

[que le gouvernement du Canada] s’engage à privilégier, à l’échelle nationale, la prévention de la pollution dans le cadre de la protection de l’environnement;

qu’il reconnaît la nécessité de procéder à la quasi‑élimination des substances toxiques les plus persistantes et bioaccumulables et de limiter et gérer les polluants et déchets dont le rejet dans l’environnement ne peut être évité;

[…]

qu’il s’engage à adopter le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement;

[…]

qu’il reconnaît la responsabilité des utilisateurs et producteurs à l’égard des substances toxiques, des polluants et des déchets et a adopté en conséquence le principe du pollueur‑payeur;

[108]    Ces principes sont réitérés au paragraphe 2(1) de la Loi, qui a trait à son application administrative; par exemple :

a) exercer ses pouvoirs de manière à protéger l’environnement et la santé humaine, à appliquer le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l’environnement, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement, ainsi qu’à promouvoir et affermir les méthodes applicables de prévention de la pollution;

a.1) prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l’environnement;

[109]    De plus, la Cour suprême du Canada a été appelée à interpréter la LCPE et elle a indiqué, en préface de son analyse, que les mesures relatives à la protection de l’environnement visaient « un objectif public d’une importance supérieure » et que « la protection de l’environnement [était] un défi majeur de notre époque »[10].

[110]    Le Tribunal ne souscrit pas à l’observation selon laquelle, une fois qu’ECCC a commencé à communiquer avec Cummins, l’affaire est ensuite demeurée du seul ressort de Cummins et d’ECCC. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la communication qu’ECCC a faite avec Cummins avait pour but d’entamer la fourniture des documents requis ou de préciser lesquels étaient exigés. Cette mesure ne visait pas à dégager FCA de son obligation légale de veiller à ce que l’on réponde à la demande de renseignements.

[111]    En résumé, le Tribunal souscrit aux observations d’ECCC selon lesquelles c’est la partie assujettie à la réglementation au Canada qui a le fardeau de se conformer à la loi canadienne, et il conclut que cela faisait partie de l’intention du législateur et était conforme aux objets de la LCPE dans son ensemble.

Troisième question : ECCC a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers la demanderesse?

Les observations de la demanderesse

[112]    La demanderesse soutient que le Tribunal a bel et bien la compétence inhérente pour examiner l’exercice, par la Direction générale de l’application de la loi d’ECCC, de son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de la délivrance des procès‑verbaux. Bien que le ministre fasse référence à plusieurs décisions du Tribunal dans lesquelles celui‑ci a refusé d’exercer cette compétence, la demanderesse soutient que nul n’a soumis au Tribunal l’argument qui suit et que, de toute façon, ce dernier n’est pas lié par d’autres décisions qu’il a rendues.

[113]    La demanderesse déclare que, dans l’affaire Chu c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile[11], la Commission de révision agricole du Canada (la CRAC) a examiné la question de savoir si elle était compétente pour réviser l’exercice, par un agent, du pouvoir discrétionnaire de décider au titre de quelle disposition législative délivrer un procès‑verbal et imposer une sanction. La demanderesse soutient que, dans le même ordre d’idées, l’article 15 de la LPAME fait référence à un examen des « faits quant à la violation présumée ». Le Tribunal, allègue-t-elle, devrait être conscient qu’une révision quant à l’exercice approprié du pouvoir discrétionnaire et quant à l’obligation d’équité procédurale est non seulement tout à fait compatible avec la LPAME, mais aussi qu’elle concorde avec l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[12], où la Cour a jugé que, si le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure.

[114]    FCA soutient que les circonstances entourant la conduite d’ECCC constituent un manquement à l’équité procédurale et que le Tribunal devrait réviser la manière dont ECCC a émis les procès‑verbaux dans les circonstances de l’espèce, et ce, pour les raisons qui suivent : a) Cummins et la demanderesse ont répondu à la demande avant l’expiration du délai du 18 juin 2021 et elles ont fourni une quantité volumineuse de renseignements; b) ECCC a pris du 18 juin au 4 août 2021 (47 jours) pour réviser les renseignements que Cummins avait fournis et n’a jamais fait part d’aucune préoccupation ou insuffisance au cours de cette période; c) pendant les 47 jours en question, Cummins a communiqué avec ECCC pour s’assurer que les renseignements qu’elle avait fournis étaient satisfaisants et pour donner suite à sa demande de discussions supplémentaires; d) ECCC a communiqué avec la demanderesse le 4 août 2021 pour demander la tenue d’une rencontre et il a proposé la date du 18 août 2021. FCA déclare qu’ECCC n’a pas indiqué le but de cette rencontre et n’a fait part d’aucune urgence, et il a fait savoir qu’il allait rendre compte de [traduction] « l’évolution de l’inspection »; e) à la rencontre du 18 août 2021, pour la première fois, ECCC a informé la demanderesse qu’elle avait l’intention de dresser des procès‑verbaux pour la période du 15 juin au 17 août 2021, ce qui englobait la période de deux semaines s’étendant du 4 août au 17 août 2021, pendant laquelle ECCC avait demandé pour la première fois de tenir une rencontre avec la demanderesse et l’avait finalement tenue.

Analyse et conclusions concernant la troisième question

[115]    Bien que la demanderesse invite le Tribunal à revoir la question de savoir s’il a compétence pour réviser le pouvoir discrétionnaire des agents d’application de la loi, il refuse de le faire. La jurisprudence du Tribunal est constante pour dire qu’il n’est pas habilité à réviser le pouvoir discrétionnaire des agents d’application de la loi, et il est d’avis qu’il n’y a pas lieu de s’en écarter[13].

[116]    Dans la décision BCE Inc c Canada (Environnement Canada et Changement climatique) (BCE)[14], le Tribunal a procédé à un examen exhaustif de ses décisions, de façon à établir qu’il n’a pas le pouvoir de réviser le pouvoir discrétionnaire des agents d’application de la loi. Le Tribunal a souligné ce qui suit :

[48] Dans Hoang c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 2, le demandeur ne contestait pas qu’une violation a eu lieu, mais soutenait que l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire était injuste et que la sanction appropriée en l’espèce était un avertissement. Après avoir cité les dispositions législatives et réglementaires pertinentes, le réviseur‑chef a constaté que le contrôle du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’application de la loi de donner un procès‑verbal ne fait pas partie de la compétence du Tribunal :

La LPAME ne confère pas aux réviseurs le pouvoir de déterminer si les agents d’application de la loi ont exercé leur pouvoir discrétionnaire de façon appropriée ou raisonnable. Les réviseurs examinent les « faits quant à la violation alléguée » et le montant de la pénalité en vertu des articles 15 et 20 de la LPAME. Ils n’examinent pas l’exercice par les agents d’application de la loi de leur pouvoir discrétionnaire d’imposer des SAPs… Par conséquent, bien que le réviseur‑chef comprenne les préoccupations du demandeur en l’espèce, la LPAME n’offre pas de recours lorsque le motif de la révision est l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’application de la loi plutôt que les faits de la violation alléguée… Il ne revient pas au réviseur d’examiner la possibilité d’annuler la SAP une fois que les éléments de la violation ont été démontrés (aux pars 21‑22).

[49] La décision dans F. Legault c. Canada (Environnement et Changement climatique); R. Legault c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2021 TPEC 1 abonde dans le même sens. En l’espèce, les demandeurs ont plaidé qu’ils étaient piégés par les agents d’application de la loi. Pourtant, le Tribunal ne pouvait pas intervenir à cet égard :

[…] la décision des agents de donner des procès‑verbaux est à l’abri de surveillance par ce Tribunal. Comme ce dernier a constaté maintenant à plusieurs reprises, son rôle est tout simplement de vérifier si l’infraction alléguée dans le procès‑verbal a été commise et si, le cas échéant, le montant de la pénalité ainsi imposée est exact. Rien de plus et certainement pas le contrôle du pouvoir discrétionnaire des agents du Ministre (au par 54).

[50] Voir aussi Fontaine c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 5, au par 28 (« il est maintenant bien établi par la jurisprudence du Tribunal que le rôle de ce dernier est (1) de déterminer si l’infraction alléguée par le procès‑verbal a bel et bien eu lieu et (2) de déterminer si le montant de la sanction administrative pécuniaire a, le cas échéant, été calculé conformément au [RPAME] »); Sirois c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 6, au par 38; (« Le rôle du Tribunal est circonscrit par la [LPAME]. Il s’agit essentiellement de vérifier si la violation telle qu’alléguée dans le procès‑verbal a bel et bien été commise par le demandeur et que la pénalité, le cas échéant, a été calculée correctement »); Nyobe c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 7, au par 21 (« Le rôle du Tribunal est de vérifier si la violation telle qu’alléguée dans le procès‑verbal a été commise par le demandeur et que la pénalité, le cas échéant, a été calculée correctement »).

[117]    Comme dans cette affaire, la demanderesse a demandé au Tribunal de s’écarter de sa jurisprudence. Ainsi qu’il est mentionné dans la décision BCE, le Tribunal n’est pas tenu de suivre ses décisions antérieures, mais il est préférable de favoriser une « culture décisionnelle harmonisée », et les réviseurs ne devraient s’écarter de la jurisprudence que dans les cas nécessaires[15]. Comme il a été signalé plus tôt, dans la présente demande de révision, le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter de sa jurisprudence à cet égard.

[118]    En outre, la demanderesse s’appuie sur la décision Chu, où la CRAC a conclu qu’elle avait le pouvoir de réviser le pouvoir discrétionnaire d’agents d’application de la loi. Cependant, cette décision a récemment fait l’objet d’un contrôle de la part de la Cour d’appel fédérale[16]. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que la décision de la CRAC était erronée :

[traduction]
[8
] En outre, il était déraisonnable de la part du Tribunal de réviser le pouvoir discrétionnaire du ministre de dresser le procès‑verbal et d’imposer la pénalité applicable. Le législateur a clairement circonscrit les pouvoirs du Tribunal au fait de décider s’il a été prouvé qu’une violation a été commise et, si oui, et le cas échéant, si le montant de la pénalité a été imposé d’une manière conforme au Règlement (la Loi, au para 14(1); Canada (Procureur général) c Vorobyov, 2014 CAF 102, au para 42). En révisant le pouvoir discrétionnaire du ministre, le Tribunal a interprété de manière déraisonnable ses pouvoirs législatifs et a exercé un pouvoir qui était contraire au libellé de la Loi[17].

[119]    En résumé, le Tribunal conclut qu’il n’a pas la compétence pour réviser le pouvoir discrétionnaire d’agents d’application de la loi et que, de ce fait, il n’examinera pas la question de savoir si ce pouvoir discrétionnaire a, comme il est allégué, manqué aux règles d’équité procédurales.

Quatrième question : subsidiairement encore, le moyen de défense fondé sur l’abus de procédure s’applique‑t‑il dans les circonstances particulières de l’espèce?

Les observations de la demanderesse

[120]    Invoquant l’arrêt Doyon[18], la demanderesse soutient que le paragraphe 11(2) de la LPAME indique clairement que certains moyens de défense peuvent être invoqués, malgré le fait que cette loi est un régime de responsabilité absolue, et cela comprend celui qui est fondé sur l’abus de procédure.

[121]    FCA déclare qu’ECCC avait fixé comme délai le 18 juin 2021 pour la réception de certains dossiers demandés et qu’en fait, à cette date, il avait effectivement reçu une quantité volumineuse et exhaustive de documents. Cependant, elle soutient que, malgré le fait qu’il bénéficiait de la collaboration de la demanderesse et de Cummins, et qu’il avait reçu des quantités considérables de documents, ECCC a entrepris de dresser des procès‑verbaux, au motif qu’il y avait des documents [traduction] « potentiellement manquants », qu’il soupçonnait l’existence d’autres dossiers et qu’il voulait [traduction] « davantage de détails » concernant d’autres dossiers. FCA ajoute qu’ECCC n’a pas fourni de renseignements indiquant quels étaient les documents manquants ou les insuffisances. Comme il est énoncé dans l’arrêt R v Clothier[19], une telle conduite de la part d’ECCC est contraire au sentiment de [traduction] « de décence et de franc‑jeu » auquel on s’attend de la part de représentants de l’État. La demanderesse soutient que la manière dont ECCC s’est comporté en l’espèce est plus que contraire au sentiment [traduction] « de décence et de franc‑jeu » et qu’elle relève du domaine de la conduite arbitraire et inacceptable.

[122]    La demanderesse soutient qu’une fois qu’ECCC a collaboré avec Cummins, il avait l’obligation de tenir la demanderesse, en tant que partie assujettie à la réglementation, au courant de ce qui se passait à l’égard de sa demande de dossiers. Dans la présente affaire, soutient FCA, ECCC les a tenues, Cummins et elle, dans l’ignorance quant à la question de savoir si les dossiers étaient satisfaisants. Elle ajoute que les demandes de documents d’ECCC étaient complexes et concernaient un grand nombre de documents, et que, par conséquent, le besoin de communication et de transparence était tout à fait raisonnable et concordait avec le régime législatif.

[123]    FCA soutient qu’ECCC n’a pas indiqué quels étaient les renseignements manquants ou les insuffisances ou, par ailleurs, qu’il ne lui a fait savoir que des dossiers n’avaient pas été fournis, après avoir reçu la quantité volumineuse de documents le 18 juin 2021, que plus de deux mois plus tard, soit le 17 août 2021, à l’occasion d’une rencontre entre des représentants d’ECCC et la demanderesse. Il ressort de la preuve que Cummins a communiqué avec ECCC à plusieurs occasions pour demander des éclaircissements, mais qu’ECCC n’y a pas vraiment répondu. La demanderesse déclare qu’ECCC a fait savoir le 13 juillet 2021 qu’il n’y avait pas eu de rétroaction de la part de l’équipe technique d’ECCC, mais qu’un grand nombre des membres de cette dernière étaient en vacances.

[124]    La demanderesse soutient qu’en dressant les procès‑verbaux, ECCC a décidé d’englober la période du 18 juin au 17 août 2021, ce qui correspond à la totalité de la période de deux mois au cours de laquelle ECCC a passé en revue les documents, et avant que la demanderesse sache si les dossiers étaient insuffisants ou non. Selon FCA, il lui aurait été impossible de savoir que la quantité volumineuse de documents, dont les 2 666 pages de documents fournies par Cummins à ECCC, serait considérée par celui-ci comme inadéquate ou insuffisante avant qu’il lui en fasse part.

Les observations d’ECCC

[125]    ECCC soutient qu’il n’y a aucun fondement aux arguments de la demanderesse selon lequel la délivrance des procès‑verbaux était inéquitable, injustifiée et arbitraire et que, pour cette raison, il faudrait les annuler.

[126]    Bien que la demanderesse indique qu’il est inéquitable que les procès‑verbaux aient commencé à courir à compter du 18 juin 2021, ECCC soutient que la décision relative au moment où imposer une pénalité administrative à l’égard d’une contravention sous le régime de la LPAME est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’application de la loi. Il n’y a rien en droit qui donne à entendre que les procès‑verbaux ne peuvent pas commencer à courir à compter du moment le plus rapproché où un agent d’application de la loi détermine qu’il existe une infraction. Et cela, indépendamment du fait qu’il puisse y avoir d’autres interactions entre la demanderesse et ECCC.

[127]    ECCC ne souscrit pas aux observations de FCA selon lesquelles Cummins a pu avoir manqué de précisions quant à la demande de dossiers, ou qu’ECCC n’a pas répondu de manière suffisante aux demandes de Cummins du 25 juin et du 13 juillet 2021, [traduction] « pour discuter des demandes d’ECCC ». La demanderesse ne relève rien dans la jurisprudence qui prévoit que des procès‑verbaux ne peuvent pas être émis, et courir, malgré un manque de compréhension d’un demandeur, ou son souhait d’obtenir de plus amples explications quant à la nature ou à la cause de la contravention, ou qui établit des exigences à l’appui de cette position. ECCC soutient en outre que la demanderesse ne peut invoquer aucun moyen de défense du fait des efforts raisonnables qu’elle aurait déployés pour communiquer et collaborer avec ECCC, ni du fait d’une croyance que Cummins agissait en son nom pour s’assurer avec succès de la conformité au Règlement. Même si tel était le cas — ce que le défendeur n’admet pas — le résultat final est que les dossiers n’ont pas été fournis, comme l’exigeait la mise en demeure ministérielle.

[128]    ECCC soutient que la nature coopérative des efforts qu’il a déployés en l’espèce se traduit dans le fait même que l’agent d’application de la loi s’est efforcé d’interagir directement avec Cummins pour obtenir les dossiers, alors même que l’obligation de satisfaire aux obligations prévues par la législation et la réglementation canadiennes en matière d’environnement ait toujours incombé à la demanderesse.

[129]    ECCC soutient qu’à toutes les étapes de ses interactions avec la demanderesse en l’espèce, cette dernière a eu amplement l’occasion de répondre à la demande de dossiers concernant le véhicule en question, sans qu’il faille imposer une pénalité administrative. Cela se traduit par le fait que la demanderesse a obtenu une prorogation de délai de plus de six mois (du 4 décembre 2020 au 18 juin 2021) pour pouvoir répondre complètement à la mise en demeure ministérielle.

Analyse et conclusions concernant la quatrième question

[130]    Le Tribunal n’est pas convaincu que l’abus de procédure peut être considéré à juste titre, dans le cadre du paragraphe 11(2) de la LPAME, comme un moyen d’annuler les procès‑verbaux. Il serait inapproprié d’invoquer la doctrine de l’abus de procédure d’une telle manière pour inviter implicitement le Tribunal à réviser le pouvoir discrétionnaire des agents d’application de la loi. La doctrine de l’« abus de procédure » ne peut permettre au Tribunal de réviser de façon détournée l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, car cela serait incompatible avec la LPAME. Aux termes du paragraphe 11(2), ces moyens de défense ne peuvent être invoqués que s’ils sont compatibles avec cette loi. Comme l’a jugé le Tribunal dans son analyse de la troisième question, le législateur a clairement prévu que les réviseurs ne peuvent pas revoir les décisions discrétionnaires d’un agent d’application de la loi. Le moyen de défense de l’abus de procédure ne serait donc pas compatible avec la loi s’il avait pour but de permettre de réviser ce pouvoir discrétionnaire. Dans la mesure où l’abus de procédure est un moyen de défense possible, il peut donc rarement, si ce n’est jamais, être invoqué devant le Tribunal.

[131]    Je souscris à la conclusion tirée dans la décision Cameron Wildlife Solutions c Canada (Environnement et Changement climatique)[20], à savoir que la possibilité d’invoquer un moyen de défense de la common law doit être « strictement contrôlé[e] et scrupuleusement limité[e] ».

[132]    Cependant, plutôt que de décider s’il est possible d’invoquer la doctrine de l’abus de procédure, en tant que moyen de défense de la common law, sous le régime du paragraphe 11(2) de la LPAME, le Tribunal conclut que, même si ce moyen de défense peut être invoqué, sa justification n’a pas été établie au vu des faits de la présente affaire, et ce, pour les motifs qui suivent. Comme l’a jugé la Cour suprême du Canada, la doctrine de l’abus de procédure protège contre les procédures qui sont injustes au point qu’elles sont contraires aux intérêts de la justice ou qui constituent un traitement oppressif[21]. Le Tribunal ne peut conclure que la suite des faits ayant mené à l’émission des procès‑verbaux est contraire aux intérêts de la justice ou qu’elle constitue un traitement oppressif.

[133]    Premièrement, il est important de passer en revue l’historique de l’affaire. Je présente à l’annexe B un tableau qui résume, à partir de l’Exposé conjoint des faits des parties, la chronologie des faits ayant mené à la délivrance des procès‑verbaux. Je ne répéterai pas chacun d’entre eux, mais je souligne certains faits marquants :

●    Le 30 octobre 2019, ECCC a demandé à FCA de fournir des renseignements après avoir constaté qu’il y avait des problèmes potentiels de certification et de conformité dans le cas de certaines camionnettes équipées de moteurs fournis par Cummins, et FCA a répondu que ces renseignements relevaient de Cummins et de l’EPA des États‑Unis.

●    Le 24 février 2020, ECCC a demandé des éléments de justification de la conformité concernant le véhicule en question, car celui‑ci avait été choisi pour subir une vérification et des essais relatifs à la conformité aux normes en matière d’émissions, conformément à la LCPE et à ses règlements, et les dossiers devaient être fournis dans un délai de 40 jours. Aucun dossier n’ayant été fourni, ECCC a réitéré sa demande le 9 mars 2020, et FCA a répondu le 30 mars 2020 que les renseignements se trouvaient en la possession de Cummins.

●    Le 1er octobre 2020, ECCC a délivré sa mise en demeure exposant les dossiers demandés et précisant que le 4 décembre 2020 était le délai fixé pour la fourniture des renseignements.

●    Le 2 décembre 2020, ECCC a reconnu que certains dossiers avaient été reçus, mais a précisé qu’il restait encore à fournir des renseignements exposés dans la mise en demeure.

●    Le 13 mai 2021, ECCC a donné des indications sur les dossiers qu’il restait à fournir et a demandé que les documents lui soient fournis le ou avant le 18 juin 2021.

●    Le 18 août 2021, les procès‑verbaux ont été émis pour la période du 18 juin au 18 août 2021.

[134]    Je signale qu’ECCC a délivré sa demande officielle de documents le 20 février 2020 et qu’il a fixé le délai ultime au 18 juin 2021, après avoir eu des échanges avec FCA et Cummins au sujet des documents qu’il avait reçus. La demande initiale exigeait que les dossiers soient fournis dans un délai de 40 jours, mais le délai a été prorogé à une période d’environ six mois.

[135]    Cette chronologie permet au Tribunal de faire les observations qui suivent. Premièrement, ECCC a transmis la première demande de renseignements, assortie d’un délai de 40 jours. Ce n’est que 18 mois plus tard, à la suite de prorogations, qu’un délai final a été fixé. Deuxièmement, bien que la demanderesse soutienne qu’ECCC n’a pas fourni d’indications suffisantes, il ne fait aucun doute que la demanderesse, Cummins et ECCC ont eu des discussions tout au long de cette période. La demanderesse est peut‑être insatisfaite du déroulement de ces discussions, mais il est évident qu’ECCC, FCA et Cummins ont fait des efforts pour s’entendre sur les documents qui étaient nécessaires et qui n’avaient pas encore été fournis. Cependant, ces efforts ont été vains. Troisièmement, le Tribunal est conscient que la demanderesse fait valoir qu’elle a bel et bien fourni des documents le ou avant le 18 juin 2021 et qu’ECCC a fait défaut de convenir des documents qui étaient manquants. Cependant, la date du 18 juin 2021 semble être le délai final après lequel ECCC n’accorderait plus de prorogation. Il semble qu’ECCC avait, après une période de 18 mois, fixé cette date comme limite. Le tribunal peut comprendre pourquoi la demanderesse aurait voulu avoir plus de temps, se sentait lésée par le manque de rétroaction immédiate d’ECCC et se plaignait du fardeau que les demandes lui imposaient. Cependant, il conclut que l’historique de l’affaire ne dénote pas que les actes ou la conduite d’ECCC atteignent le niveau de ce qui est contraire aux intérêts de la justice, étant donné qu’ECCC avait, sous le régime de la LCPE, la responsabilité législative de demander et d’obtenir les renseignements nécessaires pour vérifier la conformité aux normes applicables.

[136]    Comme il a été exposé plus tôt, le Tribunal ne souscrit pas à l’observation selon laquelle, une fois qu’ECCC a commencé à communiquer avec Cummins, l’affaire reposait alors uniquement entre les mains de Cummins et d’ECCC. La communication directe entre FCA et Cummins ne dégageait pas FCA de son obligation légale de s’assurer qu’il était répondu à la demande de renseignements.

[137]    Il n’existe aucune allégation ni preuve donnant à entendre que FCA ou Cummins ont agi de mauvaise foi ou tenté de se soustraire délibérément à leurs responsabilités. Cependant, le Tribunal a jugé que les bonnes intentions d’un demandeur ne sont tout simplement pas pertinentes dans le cadre d’une demande de révision[22].

[138]    Le Tribunal conclut que la demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’il y avait eu un abus de procédure.

Décision

[139]    Je conclus que quatre procès‑verbaux, soit le n8300‑3826, daté du 15 juin 2021, le n8300‑3827, daté du 16 juin 2021, le n8300‑3828, daté du 17 juin 2021, et le n8300‑3829, daté du 18 juin 2021, n’ont pas été établis, et ils sont annulés.

[140]    Les autres procès‑verbaux, dont les dates s’étendent du 21 juin au 17 août 2021, sont confirmés, et la révision est rejetée.

« Paul Muldoon »

PAUL MULDOON

RÉVISEUR


 

ANNEXE A – Dispositions législatives et réglementaires applicables

Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33

153 (1) Pour une entreprise, l’apposition d’une marque nationale sur des véhicules, moteurs ou équipements, la vente de véhicules, moteurs ou équipements ainsi marqués et l’importation de véhicules, moteurs ou équipements sont subordonnées à l’observation des conditions suivantes :

[…]

g) tenue et fourniture, conformément au règlement, de dossiers relatifs à la conception, à la fabrication, aux essais ou au rendement sur le terrain des véhicules, moteurs ou équipements, en vue de permettre à l’agent de l’autorité de procéder aux vérifications de conformité à toutes les normes réglementaires applicables et de faciliter la détection et l’analyse des défauts visées au paragraphe 157(1);

219 (1) Pour l’application de la présente loi et de ses règlements, le ministre peut, par lettre recommandée ou signification à personne, demander à quiconque de produire, au lieu — et éventuellement dans le délai raisonnable et selon les modalités indiquées — qu’il précise, tous documents ou données informatiques visés à l’alinéa 218(10)c) ou tous échantillons visés à l’alinéa 218(10)d).

(2) Le destinataire de la demande visée au paragraphe (1) est tenu de s’y conformer, indépendamment de toute autre règle de droit contraire.

Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs, DORS/2003‑2

38 (1) L’entreprise tient par écrit ou sous une forme électronique ou optique facilement lisible :

a) les dossiers visés à l’alinéa 153(1)g) de la Loi ainsi que les éléments de la justification de la conformité visées aux alinéas 35(1)a) à c), au paragraphe 35(1.1), aux alinéas 35.1(1)a) à c) et, le cas échéant, e) et au paragraphe 36(1), qu’elle conserve pendant au moins :

(i) huit ans après la date de construction, dans le cas des moteurs et des véhicules autres que les motocyclettes,

(ii) six ans après la date de construction, dans le cas des motocyclettes;

b) à l’égard de chaque année de modèle de véhicules légers, de camionnettes et de véhicules moyens à passagers, les dossiers prévus à l’article 37 et une copie du rapport de fin d’année de modèle prévu à l’article 32, qu’elle conserve pendant huit ans après la fin de l’année de modèle;

c) à l’égard de chaque année de modèle de motocyclettes, les dossiers prévus à l’article 37.1 et une copie du rapport de fin d’année de modèle prévu à l’article 32.7, qu’elle conserve pendant trois ans après la date limite de remise du rapport de fin d’année de modèle.

(2) Dans le cas où les éléments de justification de la conformité, les dossiers et la copie du rapport de fin d’année de modèle visés au paragraphe (1) sont conservés pour le compte d’une entreprise, l’entreprise doit tenir un dossier comportant le nom et l’adresse municipale de la personne qui les conserve, ainsi que son adresse postale, si elle est différente.

(3) Si le ministre demande par écrit à l’entreprise de lui fournir un élément de la justification de la conformité, une copie du rapport de fin d’année de modèle ou un dossier mentionné aux paragraphes (1) et (2), ou un résumé de l’un ou l’autre de ceux‑ci, l’entreprise les lui remet, dans l’une ou l’autre des langues officielles, au plus tard :

a) quarante jours après la date où la demande a été remise à l’entreprise;

b) si les éléments de la justification de la conformité ou les dossiers visés aux articles 35, 35.1 ou 36 doivent être traduits d’une langue autre que le français ou l’anglais, soixante jours après la date où la demande a été remise à l’entreprise.

Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art. 126

6 Le ministre peut établir la forme des procès‑verbaux de violation, désigner — individuellement ou par catégorie — les agents verbalisateurs et établir le sommaire caractérisant la violation dans les procès‑verbaux.

7 La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

11 (1) L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

(2) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi environnementale s’appliquent à l’égard d’une violation dans la mesure de leur compatibilité avec la présente loi.

20 (1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

22 En cas de décision défavorable, l’auteur de la violation est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision.

Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS/2017‑109

4 Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

5 Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.


 

ANNEXE B – Chronologie des faits

Les faits préalables aux mesures d’application de la Loi

30 octobre 2019

La Division des transports d’ECCC a demandé à la demanderesse de fournir des renseignements, signalant qu’il y avait des problèmes de certification et de conformité potentiels qui concernaient les camionnettes RAM 2500 et 3500 de l’année modèle 2019, équipées de moteurs fournis par Cummins. La demanderesse a répondu que les renseignements de cette nature concernaient Cummins et l’Environmental Protection Agency (l’EPA) des États‑Unis, et que les camionnettes canadiennes continuaient d’être visées par le certificat de conformité de l’EPA.

24 février 2020

La Division des transports d’ECCC a envoyé ensuite une demande d’éléments de justification de la conformité concernant le véhicule visé. Cette demande mentionnait que ce véhicule avait été choisi pour subir une vérification et des essais relatifs à la conformité aux normes en matière d’émissions, conformément à la section 5 de la partie 7 de la LCPE, et qu’il fallait fournir les renseignements connexes dans un délai de 40 jours, en application du paragraphe 38(3) du Règlement.

9 mars 2020

N’ayant reçu aucune réponse, la Division des transports d’ECCC a demandé de nouveau à la demanderesse de fournir les renseignements pertinents, à titre volontaire, pour appuyer la vérification de la conformité.

30 mars 2020

La demanderesse a répondu en disant que les renseignements qu’ECCC cherchait à obtenir se rapportaient à des véhicules munis d’un moteur Cummins visé par un certificat de conformité de l’EPA et que c’était Cummins qui détenait la majeure partie de ces renseignements.

Les mesures d’application de la loi

1er octobre 2020

La Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a délivré à la demanderesse une mise en demeure ministérielle, en vertu de l’article 219 de la LCPE, en vue de la production de dossiers permettant de vérifier la conformité réglementaire du véhicule visé. La mise en demeure ministérielle comportait un délai fixé au 4 décembre 2020 pour la production des dossiers demandés.

2 décembre 2020

La Direction générale de l’application de la loi d’ECCC avait reçu des dossiers de la demanderesse par courriel, ainsi que des dossiers directement de Cummins par l’entremise d’un lecteur partagé hébergé par McMillan, en réponse à la mise en demeure ministérielle. ECCC a soutenu que les dossiers ne répondaient pas complètement à la mise en demeure ministérielle.

13 mai 2021

La Direction générale de l’application de la loi d’ECCC a envoyé à la demanderesse une demande de suivi concernant certains dossiers qu’il restait à fournir. Le délai a été fixé au 18 juin 2021.

18 juin 2021

Cummins a fourni des documents supplémentaires à ECCC.

4 août 2021

ECCC a demandé la tenue d’une rencontre avec la demanderesse.

18 août 2021

Bien que Cummins ait fourni quelques dossiers ou renseignements supplémentaires directement à ECCC, celui‑ci a déterminé que certains dossiers visés par la mise en demeure ministérielle n’avaient toujours pas été fournis en date du 18 juin 2021, à savoir ce qui correspondait aux éléments 3a)(ii), f), g) et h) de la mise en demeure ministérielle et des lettres de suivi.

L’agent d’application de la loi a dressé des procès‑verbaux pour la période du 15 juin au 17 août 2021, au titre de l’article 6 et du paragraphe 10(1) de la LPAME, en faisant état de contraventions à l’alinéa 153(1)g) de la LCPE.

Septembre 2021

FCA a déposé des demandes de révision auprès du TPEC.

 

 



[3] R v Volkswagen AG, 2020 ONCJ 398. Le défendeur déclare que la Cour a jugé que la législation environnementale, dont la LCPE, visait « un objectif public d’une importance supérieure ». En imposant l’amende à l’entreprise, la Cour a de plus reconnu l’évolution vers une [traduction] « nouvelle ère » de dissuasion et de dénonciation, qui cadrait avec les « obligations internationales du Canada en matière d’environnement », aux para 72 et 73.

[5] LPAME, art. 20.

[7] Affidavit de Teresa Dufort, 20 avril 2022.

[9] R v Canadian Tire Corp Ltd, [2004] OJ No 3129.

[15] Ibid., au para 51.

[17] Ibid., au para 8.

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