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Tribunal de la protection de
l’environnement du Canada

Canada Coat of Arms

Environmental Protection

Tribunal of Canada

 

Date de publication :

Le 9 octobre 2020

Référence :

Nyobe c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 7

Numéro de dossier du TPEC :

0005-2020

Intitulé :

Nyobe c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demandeur :

Simonet-Albert Nyobe

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à la violation de l’article 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, L.C. 1992, ch. 52.

Instruit :

Le 17 septembre 2020 (par téléconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocat ou représentant

Simonet-Albert Nyobe

 

Représenté par lui-même

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

 

Raphaëlle St-Pierre

DÉCISION RENDUE PAR :

 

PAUL DALY


Introduction

[1]          Monsieur Simonet-Albert Nyobe (le « demandeur ») demande la révision d’une sanction administrative pécuniaire (« SAP ») imposée le 16 janvier 2020 pour une violation de l’article 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, L.C. 1992, ch. 52 (la « Loi »).

[2]          Le demandeur ne nie pas avoir contrevenu à l’article 6(2) de la Loi. Il conteste plutôt le montant de 1,100 $ de la SAP imposée. Plus précisément, il accepte le montant de 400 $ (étant le montant de base pour la contravention), mais il remet en question le montant de 100 $ concernant des avantages économiques qu’il aurait tirés de sa contravention de la Loi, ainsi que le montant de 600 $ relatif aux dommages environnementaux reliés à sa contravention de la Loi.

[3]          Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que la demande de révision doit être accueillie en partie. Il n’y avait pas lieu en l’espèce d’imposer un montant supplémentaire pour dommages environnementaux. Il faut donc modifier le montant de la SAP imposée, de 1,100 $ à $ 500. Le procès-verbal est maintenu, mais le montant de la SAP est modifié de 1,100 $ à 500 $.

Contexte

[4]          Les faits saillants ne sont pas contestés. Le ministre a déposé l’affidavit de l’agent Guillaume Dangléant auprès du Tribunal. Lors d’une audience tenue par téléconférence, le Tribunal a entendu l’agent Dangléant, ainsi que le demandeur : les deux étaient parfaitement crédibles.

[5]          Le 12 juin 2019, le demandeur s’est fait interroger à l’aéroport Montréal-Trudeau à son retour au Canada d’un voyage au Cameroun. Dans ses bagages, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada a trouvé un paquet de viande. Le demandeur ne connaissait pas le contenu de ses bagages, qui ont été préparés par sa conjointe. Elle aurait acheté la viande d’un marché au Cameroun.

[6]          L’agent a par la suite avisé un agent de la faune au sein du Ministère de l’Environnement et changement climatique du Canada qu’il avait saisi un paquet de viande.  Une analyse entreprise par l’agent de la faune a révélé qu’il y avait dans le paquet une carcasse d’une civette africaine (Civettictis civetta), un animal mentionné dans l’Annexe III de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

[7]          Après avoir identifié la viande, l’agent a pris des démarches afin de déterminer si une contravention à des dispositions législatives ou réglementaires a été commise. Se renseignant sur les modalités selon lesquelles on pourrait légalement importer une civette africaine au Canada, l’agent est entré en contact avec les autorités camerounaises qui lui ont expliqué que l’exportation de cette viande du Cameroun n’est pas permise sans l’obtention préalable d’un certificat d’origine. Ce type de certificat est d’ailleurs payant.

[8]          L’agent s’est renseigné aussi sur la civette africaine. Selon des études consultées par l’agent, l’espèce est prélevée sans considération des quotas imposés par les pays et en général ce sont des mâles qui sont prélevés, ce qui crée une surpopulation de femelles, nuisant ainsi à la biodiversité. De plus, les autorités camerounaises ont confirmé que le Cameroun impose des quotas de chasse quant à la civette africaine.

[9]          Le 16 janvier 2020, l’agent a émis le procès-verbal 9200-1076. Le montant de la SAP était de 1,100 $, soit :

400 $ (montant de base de la contravention)

100 $ (montant pour avantages économiques)

600 $ (montant pour dommages environnementaux).

[10]       Par l’entremise d’une lettre du 17 janvier 2020, le demandeur demande la révision du procès-verbal, admettant sa contravention de l’article 6(2) de la Loi, mais remettant en question le montant de la pénalité imposée.

Questions en litige

[11]       Est-ce que le montant de la SAP imposée au demandeur a été calculé correctement?

Discussion

Argument du ministre

[12]       Le Ministre constate que l’importation d’un animal mentionné à la Convention est a priori une violation de la Loi, qui interdit par l’entremise de l’article 6 l’importation d’espèces protégées au Canada, et est passible d’une SAP sous l’égide du régime établi par la Loi sur les pénalités administratives pécuniaires en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126 (la « LPAME »). La civette africaine étant mentionnée dans l’annexe à la Convention, l’imposition d’une SAP était justifiée.

[13]       Quant au calcul du montant d’une SAP, il faut se référer au Règlement sur les pénalités administratives en matière d'environnement, DORS/2017-109 (le « RPAME »). Une violation de l’article 6(2) de la Loi correspond à une violation de type B selon l’Annexe I, partie 3, section I du RPAME. Selon le RPAME, le montant de base de la pénalité est de 400 $ pour une personne physique comme le demandeur, auquel ont été rajoutés des montants supplémentaires pour les dommages environnementaux (RPAME, article 7) et l’avantage économique (RPAME, article 8) découlant de la violation de l’article 6(2) de la Loi.

[14]       Pour ce qui est des dommages environnementaux, le Ministre fait référence au Cadre stratégique pour la mise en œuvre de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement : Chapitre 4, En ligne : https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/application-lois-environnementales/publications/cadre-strategique-loi-penalites-administratives/chapitre-4.html#4.3. Le Cadre fournit une définition large de ce qui est des dommages environnementaux. Selon le Ministre, le demandeur, en important au Canada de la civette africaine, a participé à « la destruction, menace, harcèlement, capture ou prise d’animaux sauvages » ainsi qu’à la perturbation de la biodiversité. Faisant référence à des études qui démontrent que les quotas de chasse ne sont pas respectés au Cameroun ainsi que d’autres qui démontrent que les chasseurs ciblent plutôt les mâles créant une surpopulation de femelles qui perturbe la biodiversité, le Ministre constate que l’importation effectuée par le demandeur a causé des dommages environnementaux.

[15]       Pour ce qui est de l’avantage économique, le Ministre constate qu’un coût évité est en soi un avantage économique selon le RPAME. En l’espèce, en omettant de se procurer les autorisations nécessaires à l’importation/exportation de la civette africaine, le demandeur a profité d’un bénéfice monétaire en évitant un coût, soit celui de l’obtention du certificat d’origine.

Argument du demandeur

[16]       Le demandeur reconnaît qu’il a commis une violation de la Loi. Il ne conteste pas le montant de base de la pénalité. 

[17]       Pourtant, il conteste l’imposition des montants supplémentaires.

[18]       En ce qui concerne les dommages environnementaux, le demandeur constate qu’il n’a pas personnellement assisté à la chasse ou à l’achat de la civette africaine. Il ignorait même sa présence dans ses bagages. Par ailleurs, le demandeur soulève la présomption contre l’application extraterritoriale des lois canadiennes, notant que tous les évènements causant des dommages environnementaux en l’espèce ont eu lieu à l’extérieur du Canada.

[19]       Quant à l’avantage économique, le demandeur plaide qu’il ne tirera aucun avantage économique de son importation de la civette africaine. Selon lui, il n’y a aucune preuve que la viande était destinée au marché.

Réplique du Ministre

[20]       En ce qui concerne l’application extraterritoriale des lois canadiennes, le Ministre constate que la Loi met en œuvre des obligations internationales et doit bénéficier d’une interprétation large et libérale de ses objectifs, soit la protection des espèces en voie de disparition.

Analyse et constatations

Cadre législatif et réglementaire

[21]       Le rôle du Tribunal est de vérifier si la violation telle qu’alléguée dans le procès-verbal a été commise par le demandeur et que la pénalité, le cas échéant, a été calculée correctement.

[22]       Selon l’article 20 de la LPAME, après avoir reçu une demande de révision ainsi que des informations et représentations pertinentes, le Tribunal doit vérifier si la violation alléguée a été commise par le demandeur et si le montant de la pénalité a été bien calculé – le fardeau de la preuve est sur le Ministre, qui doit l’acquitter selon la balance des prépondérances. Il convient de reproduire l’article 20 dans son intégralité :

(1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

 

(1) After giving the person, ship or vessel that requested the review and the Minister reasonable notice orally or in writing of a hearing and allowing a reasonable opportunity in the circumstances for the person, ship or vessel and the Minister to make oral representations, the review officer or panel conducting the review shall determine whether the person, ship or vessel committed a violation.

(2) The Minister has the burden of establishing, on a balance of probabilities, that the person, ship or vessel committed the violation.

(3) If the review officer or panel determines that the penalty for the violation was not determined in accordance with the regulations, the review officer or panel shall correct the amount of the penalty.

[23]       Le montant d’une SAP est calculé conformément aux modalités établies par le RPAME. En l’espèce, la disposition pertinente est l’article 4(1) du RPAME :

(1) Le montant de la pénalité applicable à une violation de type A, B, ou C est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

(1) The amount of the penalty for each Type A, B or C violation is to be determined by the formula

W + X + Y + Z

where

W is the baseline penalty amount determined under section 5;

X is the history of non-compliance amount, if any, as determined under section 6;

Y is the environmental harm amount, if any, as determined under section 7; and

Z is the economic gain amount, if any, as determined under section 8.

Contravention à l’article 6(2) de la Loi

[24]       Le demandeur admet volontiers sa contravention à l’article 6(2) de la Loi.

[25]       Une violation de l’article 6(2) de la Loi est une violation de type B : Annexe 1, Partie 3, Section 1 du RPAME.

[26]       Suivant le RPAME, le montant de base de la pénalité pour une violation de type B est de 400 $ : Annexe 4, Article 1, Colonne 3.

[27]       Le montant de base de la pénalité est donc exact.

Dommages environnementaux 

[28]       En l’espèce, par l’entremise du procès-verbal, des montants supplémentaires ont été ajoutés au montant de base afin de tenir compte de dommages environnementaux et d’un avantage économique.

[29]       Pour ce qui est des dommages environnementaux, il convient de reproduire l’article 7 du RPAME dans son intégralité :  

Si des dommages environnementaux découlent de la violation commise, le montant pour dommages environnementaux est celui prévu à la colonne 5 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

If the violation has resulted in harm to the environment, the environmental harm amount is the amount set out in column 5 of Schedule 4 that corresponds to the category of the violator and the type of violation committed as set out in columns 1 and 2, respectively, of that Schedule.

[30]       La demande de révision actuelle soulève un problème concernant l’application extraterritoriale des dispositions législatives et réglementaires. À juste titre, le demandeur fait référence à la présomption que le législateur n’a pas l’intention d’appliquer ses lois à l’extérieur du Canada – un principe bien ancré en droit canadien. Pour sa part, le Ministre plaide que les dommages environnementaux ayant lieu à l’extérieur du Canada peuvent constituer des dommages environnementaux aux fins du RPAME, parce que des contraventions des règlements canadiens ont parfois des effets néfastes outremer. À cet égard, le Ministre fait référence à l’article 4 de la Loi, auquel il donnerait une interprétation large et libérale :

La présente loi a pour objet la protection de certaines espèces animales et végétales, notamment par la mise en œuvre de la Convention et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

The purpose of this Act is to protect certain species of animals and plants, particularly by implementing the Convention and regulating international and interprovincial trade in animals and plants.

[31]       Heureusement, il n’est pas nécessaire aux fins de la présente demande de révision de déterminer de façon définitive la portée territoriale de la Loi et du RPAME.

[32]       Le Tribunal se rappelle qu’il faut démontrer que des « dommages environnementaux découlent de la violation commise ». Or, en l’espèce, il n’y a aucune preuve au dossier reliant la contravention du demandeur à des dommages environnementaux qui auraient eu lieu au Cameroun. Le demandeur a importé de la viande au Canada, certes, mais le demandeur n’a ni chassé une espèce protégée au Cameroun ni acheté la carcasse trouvée dans ses bagages.

[33]       Même si on acceptait la proposition du Ministre voulant que des dommages à la biodiversité au Cameroun puissent constituer des dommages environnementaux aux fins de l’article 7 du RPAME, il est impossible de dire à la lumière de la preuve au dossier que les dommages environnementaux ont découlé de la contravention commise par le demandeur.

[34]       Le Tribunal est d’avis que le montant de la SAP n’a pas été calculé conformément aux modalités du RPAME, pour ce qui est le montant relié aux dommages environnementaux.

Avantage économique

[35]       En ce qui concerne l’avantage économique, la disposition pertinente est l’article 8 du RPAME :

8 (1) Sous réserve du paragraphe (2), si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 6 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

(2) Si l’avantage économique représente seulement l’évitement des droits d’obtention d’un permis, d’une licence ou de toute autre autorisation, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 7 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

8 (1) Subject to subsection (2), if the violation has resulted in economic gain to the violator, including an avoided financial cost, the economic gain amount is the amount set out in column 6 of Schedule 4 that corresponds to the category of the violator and the type of violation committed as set out in columns 1 and 2, respectively, of that Schedule.

(2) If the only economic gain is the avoidance of the cost of obtaining a permit, licence or other authorization, the economic gain amount is the amount set out in column 7 of Schedule 4 that corresponds to the category of the violator and the type of violation committed as set out in columns 1 and 2, respectively, of that Schedule.

[36]       Le demandeur a soumis qu’il n’a pas personnellement tiré profit de sa contravention à la Loi. Or, le Ministre n’a pas à démontrer que le demandeur a profité de sa contravention à la Loi. Pour prendre un exemple hautement pertinent en l’espèce, il est clair, selon l’article 8(1) du RPAME que « l’évitement d’une dépense » peut constituer un avantage économique.

[37]       En revanche, le Ministre a démontré par ses communications avec les autorités camerounaises qu’un permis est nécessaire afin d’exporter une civette africaine du Cameroun et que des frais sont rattachés à l’obtention d’un tel permis. En exportant une civette africaine du Cameroun sans avoir payé pour un permis, le demandeur a ainsi tiré un avantage économique.

[38]       Selon le RPAME, le montant applicable aux personnes physiques relatif à un avantage économique est de 100 $ : Annexe 4, Article 1, Colonne 7. Ce montant a donc été calculé conformément aux modalités établies par le RPAME.

Résumé

[39]       Le demandeur ayant admis une contravention à la Loi, le Tribunal a procédé à une vérification du montant de la SAP. Quant au montant de base, le Tribunal est d’avis que le calcul est exact. Il en est de même pour ce qui est du facteur aggravant d’avantage économique. Cependant, le Tribunal est d’avis qu’il n’y avait pas lieu d’imposer un montant pour dommages environnementaux.

Décision         

[40]       La demande de révision est accueillie en partie. Le procès-verbal est maintenu, mais le montant de la SAP est modifié de 1,100 $ à 500 $. 

La demande de révision est accueillie en partie.

Le montant de la SAP est modifié.

 

« Paul Daly »

PAUL DALY

RÉVISEUR

 

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