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Tribunal de la protection de
l’environnement du Canada

Canada Coat of Arms

Environmental Protection

Tribunal of Canada

 

Date de publication :

Le 27 février 2020

Référence :

Kruger c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2020 TPEC 1

Numéro du dossier du TPEC :

0004-2019

Intitulé :

Kruger c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demanderesse :

Donna Mae Kruger

Défendeur :

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision présentée en vertu de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126 (« LPAME ») et portant sur une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à une violation du paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22.

Instruit :

Par écrit

Comparutions :

Parties

 

Avocat ou représentant*

Donna Mae Kruger

 

Représentée par elle-même

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

 

Don Klaassen

DÉCISION RENDUE PAR :

 

LESLIE BELLOC-PINDER


Contexte

[1]           La présente décision fait suite à une demande de révision présentée au Tribunal de la protection de l’environnement du Canada (le « Tribunal ») par Donna Kruger (la « demanderesse ») relativement à une sanction administrative pécuniaire (« SAP ») infligée par Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») le 14 mars 2019.

[2]           L’agente d’application de la loi d’ECCC, Amy Biensch, a infligé à la demanderesse la SAP en cause en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, L.C. 2009, ch. 14, art. 126 (« LPAME »), relativement à une violation alléguée du paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, pris en vertu de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22 (« LCOM »).

[3]           Le 25 mars 2019, la demanderesse a saisi le Tribunal d’une demande de révision en vertu de l’article 15 de la LPAME.

[4]           L’audience a été instruite principalement au moyen d’observations écrites, mais une téléconférence préalable à l’audience a eu lieu le 29 novembre 2019. La demanderesse n’a pas participé à l’appel, mais elle a été avisée de l’issue de celui-ci le 12 décembre 2019.

[5]           Après examen des observations écrites des parties, et pour les motifs énoncés ci‑après, la pénalité est maintenue, mais elle est également modifiée.

Questions à trancher

[6]           Il s’agit de savoir 1) si ECCC a établi les éléments d’une violation du paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs et, si c’est le cas, 2) si le montant de la SAP devrait être modifié.

Lois et règlements pertinents

[7]           Les dispositions les plus pertinentes de la LPAME sont les suivantes :

7. La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

11(1). L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

(2)  Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi environnementale s’appliquent à l’égard d’une violation dans la mesure de leur compatibilité avec la présente loi.

20(1).  Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2)  Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3)  Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

22.  En cas de décision défavorable, l’auteur de la violation est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision.

[8]           Quant aux dispositions les plus pertinentes du Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS/2017-109 (le « RPAME »), elles sont reproduites ci-après :

4.  Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

5.  Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

8(1).  Sous réserve du paragraphe (2), si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 6 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

[9]           Conformément à la section 2 de la partie 4 du RPAME, une violation du paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs constitue une violation de type B. Conformément à la colonne 3 de l’annexe 4 du RPAME, le montant de la pénalité de base pour une violation de type B est de 400 $ pour une personne physique et de 2 000 $ pour une « autre personne, un navire ou un bâtiment ». Le montant pour avantage économique pour une violation de type B prévu à l’annexe 4 est de 400 $ pour une personne physique et de 2 000 $ pour une « autre personne, un navire ou un bâtiment ».

[10]        La disposition la plus pertinente du Règlement sur les oiseaux migrateurs est la suivante :

12.1(2).  Il est interdit d’acheter, de vendre, de troquer ou d’offrir d’acheter, de vendre, ou de troquer des plumes d’oiseaux migrateurs pour la fabrication d’articles de mercerie ou à des fins ornementales.

[11]        Les oiseaux migrateurs considérés comme gibier, y compris les oies et les bernaches, font partie des oiseaux migrateurs protégés au titre de la LPAME. 

Analyse

Faits

[12]        Les principaux faits à l’origine des sanctions administratives pécuniaires faisant l’objet d’une révision ne sont pas contestés. Le 14 mars 2019, l’agente de protection de la faune Biensch et l’agent régional de renseignement Vodden se sont présentés au magasin The Broom Closet Witchcraft Supplies Shop à Regina, en Saskatchewan. Ils ont parlé à Donna Kruger, qui est la propriétaire unique du magasin. L’agente Biensch a remarqué que quatre éventails en plumes étaient exposés et offerts au coût de 35 $ chacun. Chaque éventail était fait de trois plumes, et Mme Kruger a informé l’agente Biensch que les plumes étaient celles d’une bernache du Canada. Mme Kruger avait acheté les éventails à une personne physique, qu’elle a décrite comme un artiste ambulant. Elle a donné à l’artiste 10 $ pour chacun des éventails et n’en a acheté que quatre. Elle n’en a vendu aucun, et ils demeuraient exposés dans le magasin lorsque l’agente Biensch s’est présentée. Après qu’elle a été informée du fait que d’offrir à la vente des plumes de bernaches du Canada contrevenait à la LPAME et au Règlement sur les oiseaux migrateurs, Mme Kruger a dit qu’elle n’était pas au courant de la loi.

[13]        L’agente Biensch a imposé une sanction administrative pécuniaire de l’ordre de 4 000 $, qui comprenait un montant de pénalité de base de 2 000 $ pour une violation de type B commise par « une autre personne, un navire ou un bâtiment », et de 2 000 $ pour le facteur aggravant de l’avantage économique.

Analyse et conclusions

[14]        Au titre de l’article 20 de la LPAME, les réviseurs doivent établir si une violation a été perpétrée. Il incombe à ECCC de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de la violation. Les moyens de défense relatifs à l’« erreur de fait » et à la « diligence raisonnable » ne peuvent être invoqués, en application de l’article 11 de la LPAME. En ce qui concerne le montant de la pénalité, les réviseurs doivent déterminer si le montant a été calculé correctement selon la formule et les éléments énoncés aux articles 4 à 8 du RPAME. Même si la demanderesse a soutenu qu’elle ne savait pas que le fait d’offrir à la vente des éventails de plumes contrevenait à la loi, sa principale préoccupation était la pénalité importante qui, selon elle, entraînerait des difficultés financières extrêmes et la fermeture possible de son entreprise. Selon les éléments de preuve, la réviseure estime qu’ECCC a montré que la demanderesse a contrevenu au paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. La question qui demeure est celle de savoir si le montant de la pénalité a été déterminé correctement conformément au RPAME.

[15]        Durant la téléconférence préalable à l’audience qui s’est tenue le 25 novembre 2019, le conseil du ministre a été invité à clarifier la position du ministre concernant les deux questions liées au montant de la pénalité de 4 000 $ : 

1) Le fait de savoir si le procès-verbal est dressé contre Mme Kruger en tant que personne physique ou en tant qu’« autre personne » (ce qui suppose une autre entité légale distincte);

2) Le fait de savoir si le facteur aggravant de l’avantage économique aurait dû être évalué dans la sanction administrative pécuniaire. 

En réponse à ces questions, le ministre, par l’entremise de son conseil, a résumé sa position comme suit :

1)  Un propriétaire unique devrait être considéré comme une « personne physique » aux fins du calcul de la pénalité;

2)  Le facteur aggravant de l’avantage économique exige qu’il y ait un avantage économique réel, et rien ne montre que les éventails ont été vendus.

[16]        Dans la sanction administrative pécuniaire qui fait l’objet d’une révision, le montant de base utilisé était de 2 000 $. Il s’agit du montant qui devrait s’appliquer à une violation de type B pour une « autre personne, un navire ou un bâtiment », ce qui comprendrait des entités légales distinctes des personnes physiques. Même si Mme Kruger exploite un commerce de détail, elle le fait en tant que propriétaire unique. Le Broom Closet Witchcraft Supply Shop n’est pas une société constituée en personne morale. Par conséquent, l’observation du ministre selon laquelle un propriétaire unique devrait être considéré comme une personne physique aux fins du calcul de la pénalité est tout à fait appropriée. Une pénalité de base de 400 $ aurait dû être infligée à Mme Kruger en tant que personne physique, plutôt qu’une pénalité de base de 2 000 $, qui s’appliquerait à d’autres entités légales, comme des sociétés.

[17]        En outre, en ce qui concerne le facteur aggravant de l’avantage économique, ce n’est pas pour rien que l’article 8 du RPAME contient la phrase : « Si l’auteur de la violation tire un avantage économique […] » (le soulignement est ajouté). Le « Cadre stratégique relatif aux sanctions administratives pécuniaires d’ECCC pour la mise en œuvre de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement » de 2017 (chapitre 4, p. 12) indique aussi que l’« avantage économique ne comprend que les gains réalisés » et ne comprend pas les gains potentiels. Rien n’indique qu’un des éventails de plumes de bernache du Canada ait été vendu par Mme Kruger ou qu’elle ait tiré un avantage économique réel. Par conséquent, la pénalité aurait dû être calculée sans le montant concernant le facteur aggravant qui s’applique lorsqu’un avantage économique est « tiré » d’une violation.

[18]        La concession du ministre relativement aux points mentionnés plus haut a facilité le règlement rapide de la révision. Même si l’article 16 de la LPAME prévoit que la personne désignée par le ministre peut annuler ou corriger un procès-verbal avant qu’une demande de révision soit déposée, lorsque la demande de révision est reçue par le Tribunal, une décision doit être rendue par un réviseur afin que le montant de la pénalité soit corrigé, conformément au paragraphe 20(3) de la LPAME.

[19]        La réviseure estime que la pénalité a été calculée de manière incorrecte, car la demanderesse est une personne physique qui a commis une violation de type B. L’annexe 4 du RPAME indique que le montant de base applicable dans ces circonstances est de 400 $. En outre, selon les éléments de preuve, aucune sanction supplémentaire n’est prévue pour avantage économique en tant que facteur aggravant.

Conclusion

[20]        ECCC s’est acquitté du fardeau qui lui incombe au titre du paragraphe 20(2) de la LPAME de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’une violation a eu lieu au titre du paragraphe 12.1(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs par la demanderesse. Toutefois, la pénalité a été calculée de manière incorrecte conformément au RPAME. Par conséquent, la pénalité est réduite au montant correct de 400 $.

Décision

[21]        La SAP est maintenue, mais le montant de la pénalité est modifié pour passer de 4 000 $ à 400 $.

La demande de révision est accueillie en partie.

Le montant de la SAP est modifié.

 

« Leslie Belloc-Pinder »

LESLIE BELLOC-PINDER

RÉVISEURE

 

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