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Tribunal de la protection de l’environnement du Canada

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Environmental Protection Tribunal of Canada

 

Date de la décision :

Le 4 avril 2019

Référence :

Bhaiyat c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2019 TPEC 1

Numéros des dossiers du TPEC :

0033-2018

Intitulés :

Bhaiyat c. Canada (Environnement et Changement climatique)

Demandeurs :

Ibrahim Mohamed Bhaiyat

Défendeur :

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Objet de la procédure : Révision, au titre de l’article 15 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126, d’une pénalité infligée en vertu de l’article 7 de cette loi relativement à une violation du paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52.

Date de l’audience :

Le 8 mars 2019 (par téléconférence)

Comparutions :

Parties

 

Avocats ou représentant*

Ibrahim Mohamed Bhaiyat

 

Junaid Bhaiyat*

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique

 

Elizabeth Koudys

ORDONNANCE RENDUE PAR :

 

JERRY V. DEMARCO

 


Contexte

[1]           La présente ordonnance dispose d’une requête présentée au réviseur‑chef par les parties afin que celui-ci réponde à une question de droit préliminaire soulevée dans le cadre d’une procédure de révision relative à une sanction administrative pécuniaire (SAP). Cette SAP a été infligée à Ibrahim Mohamed Bhaiyat (le demandeur) par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) le 16 octobre 2018. Le demandeur a déposé une demande de révision de celle-ci auprès du réviseur‑chef.

[2]           L’agent d’application de la loi d’ECCC, Mark McIntyre, a imposé au demandeur la SAP en cause en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement, LC 2009, c 14, art 126 (la LPAME), relativement à une violation alléguée du paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52 (la LPEAVSRCII). Cette pénalité concerne l’expédition présumée de milliers de plumes de paon spicifère (Pavo muticus) et de paon bleu (Pavo cristatus) sans qu’un permis ait été délivré à cette fin en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (la Convention). Le paon spicifère est une espèce inscrite à l’annexe II de la Convention, tandis que le paon bleu figure à l’annexe III de celle-ci. Au Canada, la Convention est mise en œuvre par la LPEAVSRCII.

[3]           Lors d’une conférence préparatoire à l’audience (la conférence préparatoire) tenue par téléconférence, les parties ont fait valoir que le réviseur‑chef devrait répondre à une question de compétence préliminaire soulevée par le demandeur à l’égard de la présente procédure. Dans la directive procédurale qui a été rédigée suite à la conférence préparatoire, le réviseur‑chef a décrit les étapes relatives à l’échange et à la présentation d’observations sur la question préliminaire, et il a fixé au 8 mars 2019 la date de présentation des observations orales des parties. ECCC, représenté par l’avocate, Elizabeth Koudys, a présenté des observations écrites et orales, et le demandeur, représenté par son fils, Junaid Bhaiyat, n’a présenté que des observations orales.

[4]           La directive procédurale précise qu’[traduction] « il sera répondu à la question d’un point de vue théorique, et le fait que les parties la posent ne doit pas être considéré comme une admission, par le demandeur, qu’une violation a été établie ». Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’exposer en détail les circonstances de la violation alléguée. Le réviseur‑chef abordera directement la question d’ordre juridique à l’étude.

Question en litige

[5]           Comme il est énoncé dans la directive procédurale émise à la suite de la conférence préparatoire, la question à trancher est la suivante :

[traduction]

Si la violation ayant donné lieu à une sanction administrative pécuniaire a été établie par Environnement et Changement climatique Canada, le réviseur a-t-il le pouvoir, en vertu de la LPAME, d’annuler cette pénalité ou d’en réduire le montant?

Lois et règlements pertinents

[6]           Les dispositions les plus pertinentes de la LPAME sont les suivantes :

7 La contravention à une disposition, un ordre, une directive, une obligation ou une condition désignés en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur — personne, navire ou bâtiment — s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements.

11(1) L’auteur présumé de la violation — dans le cas d’un navire ou d’un bâtiment, son propriétaire, son exploitant, son capitaine ou son mécanicien en chef — ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

(2) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi environnementale s’appliquent à l’égard d’une violation dans la mesure de leur compatibilité avec la présente loi.

20(1) Après avoir donné au demandeur et au ministre un préavis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de présenter oralement leurs observations, le réviseur ou le comité décide de la responsabilité du demandeur.

(2) Il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a perpétré la violation.

(3) Le réviseur ou le comité modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements.

22 En cas de décision défavorable, l’auteur de la violation est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision.

[7]           Quant aux dispositions les plus pertinentes du Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement, DORS/2017-109 (RPAME), elles sont reproduites ci-après :

4 Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z

où :

W représente le montant de la pénalité de base prévu à l’article 5;

X le cas échéant, le montant pour antécédents prévu à l’article 6;

Y le cas échéant, le montant pour dommages environnementaux prévu à l’article 7;

Z le cas échéant, le montant pour avantage économique prévu à l’article 8.

5 Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

6 (1) Si l’auteur de la violation a des antécédents de non-conformité, le montant pour antécédents applicable à une violation est celui prévu à la colonne 4 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

(2) L’auteur a des antécédents de non-conformité si, dans les cinq ans précédant :

a) une violation à toute section de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) ou aux règlements d’application de cette section, il a déjà fait l’objet d’une mesure de contrôle d’application à l’égard de cette même section ou de ces règlements;

b) une violation à la partie 9 de cette loi ou aux règlements d’application de cette partie, il a déjà fait l’objet d’une mesure de contrôle d’application à l’égard de cette partie ou de ces règlements;

c) une violation à toute loi environnementale — autre que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) — ou aux règlements d’application de cette loi, il a déjà fait l’objet d’une mesure de contrôle d’application à l’égard de cette même loi ou de ses règlements.

(3) Pour l’application du paragraphe (2), mesure de contrôle d’application s’entend d’une contravention, d’une pénalité, d’une condamnation, d’une injonction ou d’un recours à des mesures en matière de protection de l’environnement.

7 Si des dommages environnementaux découlent de la violation commise, le montant pour dommages environnementaux est celui prévu à la colonne 5 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

8 (1) Sous réserve du paragraphe (2), si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 6 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

(2) Si l’avantage économique représente seulement l’évitement des droits d’obtention d’un permis, d’une licence ou de toute autre autorisation, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 7 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe.

Discussion

Observations d’ECCC

[8]           En résumé, ECCC affirme que les réviseurs n’ont pas compétence pour réduire ou annuler une SAP pour des motifs d’équité ou de justice. ECCC soutient que le seul pouvoir dont disposent les réviseurs à l’égard du montant d’une pénalité est celui de corriger le montant d’une pénalité afin qu’il soit conforme au RPAME.

[9]           ECCC soutient que les réviseurs, en tant que décideurs administratifs, doivent respecter les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi (voir : Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 RCS 256; ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] 1 RCS 140; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 28 et 29). Il avance en outre que l’éventuel pouvoir de modifier les pénalités pour des motifs d’équité devrait être prévu dans la loi, ou être nécessairement implicite, pour que les réviseurs puissent envisager d’accorder un tel recours. ECCC s’appuie sur la décision rendue par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans l’affaire Alberta c. McGeady, 2014 ABQB 104, au paragraphe 23 (décision confirmée dans 2015 ABCA 54), qui énonce ce qui suit : [traduction« [a]ucune personne exerçant un pouvoir de décision conféré par la loi ne peut ignorer des dispositions législatives de fond parce qu’elle estime que leur application a des conséquences injustes, et appliquer une autre norme dont le résultat serait plus satisfaisant selon elle »

[10]        ECCC précise que les réviseurs sont nommés en vertu des articles 243 et 244 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33 (LCPE), et qu’ils sont chargés de réviser les ordres donnés en vertu de diverses lois sur la protection de l’environnement ainsi que les SAPs imposées sous le régime de la LPAME. La question à trancher en l’espèce porte précisément sur les pouvoirs prévus par la LPAME et par son règlement d’application pour le cas où un demandeur exerce le droit de demander une révision en vertu de l’article 15 de la LPAME.

[11]        ECCC soutient qu’il incombe aux réviseurs, conformément à l’article 20 de la LPAME, de déterminer : 1) si une violation a été commise (voir les paragraphes 20(1) et (2) de la LPAME); et 2) si le montant d’une SAP a été déterminé correctement et en conformité avec le RPAME (voir le paragraphe 20(3) de la LPAME). ECCC soutient que les réviseurs ne peuvent annuler ou réduire une SAP pour des motifs d’équité, parce que la loi habilitante ne leur confère pas un tel pouvoir. À cet égard, ECCC invoque également l’article 22 de la LPAME, lequel dispose que, si un réviseur détermine qu’une personne a commis une violation, cette personne est tenue « au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision ».

[12]        En ce qui concerne la question du pouvoir des réviseurs de réduire le montant d’une SAP, ECCC précise que ce pouvoir n’est conféré par la LPAME que si le montant initial de la pénalité n’a pas été calculé correctement conformément au RPAME. ECCC souligne que l’article 4 du RPAME établit la formule à utiliser pour calculer les montants des sanctions administratives pécuniaires, et que la formule comprend une valeur de base à laquelle d’autres montants sont ajoutés en fonction des antécédents de non‑conformité, de la gravité des dommages environnementaux causés et des avantages économiques obtenus. ECCC souligne que les montants de base applicables aux divers types de violations sont établis dans le RPAME. Pour la violation alléguée en l’espèce, le montant de base est de 400 $ pour une personne physique (par opposition à une société). Le RPAME précise les montants à ajouter pour les facteurs supplémentaires susmentionnés.

[13]        Par conséquent, ECCC fait valoir que, lorsqu’une violation a été établie sur la base des faits, les réviseurs peuvent ajuster le montant d’une SAP, mais ce pouvoir se limite à faire en sorte que le montant soit calculé conformément à la formule établie dans le RPAME. ECCC précise que le montant de la pénalité dans la « décision » dont il est question à l’article 22 de la LPAME ne peut être que le montant initial de la SAP ou un montant rajusté par un réviseur conformément à la formule établie par le RPAME.

[14]        ECCC soutient que l’article 7 de la LPAME appuie son interprétation des dispositions de la LPAME qui portent sur le travail des réviseurs. L’article 7 est une disposition générale qui s’applique à toutes les sanctions administratives, et ce, qu’une révision effectuée par un réviseur ait été demandée ou non. Il est stipulé que le montant d’une SAP est « déterminé conformément aux règlements ». Cet argument suppose implicitement que tous les décideurs qui établissent des sanctions administratives pécuniaires, qu’il s’agisse d’agents d’application de la loi d’ECCC ou de réviseurs indépendants qui examinent une demande de révision d’une SAP, doivent déterminer le montant d’une SAP conformément au RPAME. Cela signifie que la formule établie dans le RPAME doit être suivie à toutes les étapes du processus d’imposition de sanctions administratives pécuniaires.

[15]        ECCC soutient que l’article 11 de la LPAME appuie également son interprétation, même si cette disposition est axée sur l’exclusion de certains motifs de défense contre les violations alléguées. Il ajoute que l’article 11 vient confirmer que la LPAME crée un régime de responsabilité absolue, et que les considérations d’équité ou d’impartialité n’entrent pas dans l’analyse.

[16]        ECCC appuie son argument sur l’objet de la LPAME, qui se lit comme suit :

3 La présente loi a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et comme complément aux autres mesures d’application des lois environnementales en vigueur, un régime juste et efficace de pénalités.

[17]        Selon ECCC, le fait de permettre aux réviseurs d’accorder un redressement équitable pour des violations commises serait contraire à l’objectif de la LPAME. Pour étayer cet argument, ECCC s’appuie également sur le compte rendu officiel des débats de la Chambre des communes (hansard, 40-2, no 031 [23 mars 2009]), à la p. 1740 [M. Mark Warawa, secrétaire parlementaire du ministre de l’Environnement]). Dans celui-ci, on peut lire que le projet de loi C‑16, Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales, 40e législature, 2session, qui comprenait la LPAME, a été adopté en partie pour tenir compte de « la vive désapprobation de la société à l’endroit des infractions liées à l’environnement » et pour [traduction« instaurer une approche qui soit davantage fondée sur des principes en matière d’évaluation des pénalités à imposer pour des violations ». ECCC soutient que [traduction« le législateur avait l’intention d’établir un régime plus strict qui encouragerait [et] renforcerait le respect des lois en matière d’environnement ».

[18]        La LPAME a été adoptée dans le cadre d’un projet de loi de portée plus générale qui touchait de nombreuses lois environnementales. Une grande partie du hansard en question semble se rapporter au projet de loi C‑16 dans son ensemble, ou à ses dispositions qui prévoyaient une augmentation du montant des amendes prévues par de nombreuses lois fédérales en matière d’environnement. Par exemple, voici ce qui est rapporté dans le hansard :

Les modifications proposées dans le projet de loi sur le contrôle d’application de lois environnementales sont clairement nécessaires. Lors du Colloque mondial des juges, tenu en 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud, où la Cour suprême du Canada était représentée, les principes de Johannesburg relatifs au rôle du droit et au développement durable ont été adoptés.

Ces principes comprennent la déclaration suivante :

Nous croyons fermement qu’il est impératif et urgent de doter de plus grands moyens les juges, les procureurs, les législateurs et toutes les personnes jouant un rôle déterminant [...] dans l’application, le développement et l’exécution du droit de l’environnement [...] par le biais notamment du processus juridictionnel [...]  

Les amendes en vigueur actuellement sont trop légères pour être des outils de dissuasion efficaces. Qui plus est, elles ne reflètent pas adéquatement la vive désapprobation de la société à l’endroit des infractions liées à l’environnement. 

[19]        Toutefois, de brefs passages du hansard portent précisément sur le régime de SAPs intégré à la LPAME par le projet de loi C‑16. Nous reviendrons plus loin, dans les présents motifs, sur le contenu du hansard qui traite plus particulièrement de la question soulevée en l’espèce relativement à la LPAME.

[20]        ECCC fait valoir que la LPAME [traduction« visait également à assurer la prévisibilité des montants des pénalités », et que le fait d’[traduction« accorder une réparation équitable en fonction de critères hautement individualisés et subjectifs comme celui de l’équité procédurale irait à l’encontre de cet objectif ». En effet, selon ECCC, l’octroi d’une telle mesure de redressement équitable à l’égard des pénalités entraînerait de l’imprévisibilité et minerait leur effet dissuasif. ECCC soutient que le législateur a conféré aux réviseurs des pouvoirs qui sont circonscrits dans la LPAME afin d’atteindre les objectifs de dissuasion et de prévisibilité. Selon ECCC, cela se reflète dans le libellé de la LPAME, selon lequel les pénalités doivent être déterminées conformément au RPAME.

[21]        En réponse à une question du réviseur‑chef sur le rôle des réviseurs en matière de révision des pénalités, ECCC a fait référence à l’annexe 4 du RPAME pour démontrer la nature mécanique du calcul des pénalités. Dans le cas d’une violation comme celle alléguée en l’espèce, l’annexe 4 précise que le montant de base, pour un particulier, est établi à 400 $. ECCC affirme que la SAP ne pourra être inférieure à 400 $ s’il parvient à prouver qu’une violation a été commise en l’espèce. D’autres montants pourraient être ajoutés au montant de base (p. ex. 600 $ pour des dommages environnementaux), mais aucune disposition du RPAME ne permet une réduction de la pénalité en deçà du montant de base. Bien qu’aucun dommage environnemental n’ait été allégué dans la présente affaire — et que par conséquent, le montant total de la pénalité corresponde au montant de base —, ECCC a convenu que les réviseurs sont habilités à déterminer, lors de la révision des pénalités, si des dommages environnementaux ont entraîné l’ajout, au montant de base, d’un montant au titre de ces dommages. ECCC soutient que s’il y a de tels dommages environnementaux, le montant supplémentaire de 600 $ sera maintenu pour laSAP, et que les réviseurs n’ont pas le pouvoir de modifier ce montant. En fait, les montants exacts qui peuvent être ajoutés sont établis dans l’annexe, et aucun pouvoir discrétionnaire ne permet de les modifier s’ils ont été correctement inclus dans le montant initial de la pénalité par l’agent d’application de la loi, et ce, conformément à l’annexe.

[22]        ECCC reconnaît que les tribunaux peuvent également exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par « déduction nécessaire » [Canada (Procureur général) c. Vorobyov, 2014 CAF 102, au paragraphe 44]. Toutefois, ECCC soutient que ces pouvoirs se limiteraient à ceux nécessaires pour qu’un tribunal puisse s’acquitter correctement du mandat qui lui est conféré par la loi. En outre, selon lui, le mandat de ses réviseurs consiste à s’assurer que le montant des pénalités soit conforme au RPAME, et il n’existe pas de pouvoirs par déduction nécessaire qui permettraient de modifier le montant des pénalités pour des motifs d’équité.

[23]        ECCC fait aussi valoir que les réviseurs ont compétence pour appliquer la Charte canadienne des droits et libertés [R. c. Conway, 2010 CSC 22, au paragraphe 81], mais que la LPAME ne porte atteinte à aucun droit garanti par la Charte de telle manière à ce que les réviseurs puissent réduire ou annuler le montant d’une pénalité. ECCC souligne d’ailleurs que le demandeur n’a invoqué aucune violation de la Charte.

[24]        En conclusion, ECCC soutient que le réviseur‑chef devrait conclure que les réviseurs n’ont pas compétence pour accorder un allègement des sanctions administratives pécuniaires pour des motifs d’équité. ECCC affirme que le seul pouvoir que les réviseurs peuvent exercer à l’égard du montant d’une SAP est celui de le corriger afin qu’il soit conforme au RPAME.

Observations du demandeur

[25]        Le demandeur soutient que les réviseurs ont la capacité de réduire ou d’annuler les pénalités, puisque cela fait partie intégrante de leur rôle de surveillance. Le demandeur estime qu’il va de soi que les réviseurs disposent de tels pouvoirs. Il allègue que le simple fait que les parties aient ce débat juridique devant le réviseur‑chef indique que les réviseurs ont nécessairement compétence en cette matière.

[26]        D’après le demandeur, lorsqu’un organisme exerce un droit de regard sur un litige comme celui soumis au réviseur en l’espèce, cet organisme joue un rôle semblable à celui d’un juge. Il soutient que, si un juge peut annuler une contravention de stationnement ou réduire le montant d’une amende, les réviseurs peuvent faire de même pour une SAP. Il affirme que, lorsque la pénalité lui a été infligée, ECCC l’a informé qu’il pouvait soumettre une demande de révision de la pénalité au réviseur‑chef. Le fait que les réviseurs puissent réviser une SAP donne à penser qu’ils ont pleinement compétence pour statuer sur la question, y compris le pouvoir d’annuler ou de réduire une pénalité pour des motifs d’équité. En l’espèce, le demandeur soutient que le montant de l’amende aurait pu être moindre si ECCC avait agi plus rapidement. Il ajoute que la saisie de la marchandise constitue une mesure d’application de la loi suffisante, et qu’aucune SAPn’était nécessaire compte tenu des conséquences financières de la saisie. Aux dires du demandeur, les réviseurs devraient également disposer du pouvoir de traiter tous les aspects d’une affaire comme celle-ci, notamment pour ce qui est d’examiner la saisie de la marchandise effectuée par ECCC.

[27]        Le demandeur avance que les réviseurs devraient pouvoir exprimer leur sympathie pour les auteurs d’une première violation et tenir compte de toutes les circonstances d’une affaire, par exemple, déterminer si la saisie de marchandises constitue une pénalité suffisante, vérifier si un permis approprié a été obtenu ultérieurement ou si une SAPa été imposée pour une infraction mineure.

[28]        Le demandeur soutient que le régime encadrant les SAPs n’est pas aussi strict que le prétend ECCC, mais qu’il ressemble davantage au système judiciaire où les juges ont la pleine autorité de décider de la façon dont une question doit être tranchée. Le demandeur soutient également que tout le monde gagnerait du temps s’il était établi que les réviseurs ont une plus grande compétence dans des affaires comme celle-ci.

Observations en réponse d’ECCC

[29]        Dans sa réponse, ECCC précise que le simple fait que les parties tiennent ce débat ne signifie pas qu’un résultat particulier sera obtenu. ECCC affirme que c’est le libellé de la loi qui l’emporte. En ce qui concerne l’analogie du juge proposée par le demandeur, ECCC soutient que les juges de la Cour fédérale, par exemple, doivent toujours se limiter aux recours dont ils peuvent être saisis selon la loi.

Analyse et constatations

[30]        La question posée soulève une question d’interprétation législative. De façon générale, elle concerne la portée des pouvoirs conférés aux réviseurs lorsqu’ils traitent une demande de révision du montant d’une SAP. Comme ECCC n’a commencé que récemment à imposer des pénalités en vertu du RPAME, lequel a été adopté en 2017, peu de dossiers ont été déposés à ce jour, et c’est la première fois que les parties posent la question précise ici en litige. Le réviseur-chef examinera donc la question en premier lieu en vertu de la LPAME.

[31]        Le réviseur‑chef entreprendra maintenant l’analyse de la question juridique soulevée en l’espèce par un examen du libellé exact des dispositions les plus pertinentes de la LPAME. La LPAME énonce que :

La contravention à une disposition [...] désigné[e] en vertu de l’alinéa 5(1)a) constitue une violation pour laquelle l’auteur [...] s’expose à une pénalité dont le montant est déterminé conformément aux règlements (LPAME, article 7).

L’auteur présumé de la violation peut [...] saisir le réviseur‑chef d’une demande de révision du montant de la pénalité ou des faits quant à la violation présumée, ou des deux (LPAME, article 15).

[Le] réviseur [...] décide de la responsabilité du demandeur [LPAME, paragraphe 20(1)].

Le réviseur [...] modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements [LPAME, paragraphe 20(3)].

En cas de décision défavorable, l’auteur de la violation est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision (LPAME, article 22).

[Non souligné dans l’original.]

[32]        Le RPAME prévoit ce qui suit :

Le montant de la pénalité applicable à une violation est calculé selon la formule suivante :

W + X + Y + Z [...] (RPAME, article 4).

Le montant de la pénalité de base applicable à une violation est celui prévu à la colonne 3 de l’annexe 4, selon l’auteur et le type de violation commise figurant, respectivement, aux colonnes 1 et 2 de cette même annexe (RPAME, article 5).

Si l’auteur de la violation a des antécédents de non-conformité, le montant pour antécédents applicable à une violation est celui prévu à la colonne 4 de l’annexe 4 [...] (RPAME, paragraphe 6(1)].

Si des dommages environnementaux découlent de la violation commise, le montant pour dommages environnementaux est celui prévu à la colonne 5 de l’annexe 4 [...] (RPAME, article 7).

Sous réserve du paragraphe (2), si l’auteur de la violation tire un avantage économique, y compris l’évitement d’une dépense, de la violation commise, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 6 de l’annexe 4 [...] (RPAME, paragraphe 8(1)].

Si l’avantage économique représente seulement l’évitement des droits d’obtention d’un permis, d’une licence ou de toute autre autorisation, le montant pour avantage économique est celui prévu à la colonne 7 de l’annexe 4 [...] (RPAME, paragraphe 8(2)).

[Non souligné dans l’original.]

[33]        Voici les montants établis à l’annexe à laquelle renvoient les dispositions du RPAME ci-dessus (RPAME, annexe 4) :

Montant de la pénalité

Colonne 1

Colonne 2

Colonne 3

Colonne 4

Colonne 5

Colonne 6

Colonne 7

Article

Auteur de la violation

Type de violation

Montant de la pénalité de base ($)

Montant pour antécédents ($)

Montant pour dommages environnementaux ($)

Montant pour avantage économique ($)

Montant pour avantage économique – Autorisation ($)

1

Personne physique

  • a) A

200

600

300

200

50

  • b) B

400

1 200

600

400

100

  • c) C

1 000

3 000

0

1 000

250

2

Autre personne, navire ou bâtiment

  • a) A

1 000

3 000

1 500

1 000

250

  • b) B

2 000

6 000

3 000

2 000

500

  • c) C

5 000

15 000

0

5 000

1 250

 

[34]        Il convient également de mentionner que le législateur a conféré au réviseur‑chef des pouvoirs étendus en vertu d’autres lois. Par exemple, en ce qui concerne l’examen des ordres de conformité, la LCPE est libellée comme suit :

263     Après avoir examiné l’ordre, avoir donné aux intéressés et au ministre un avis écrit ou oral suffisant de la tenue d’une audience et leur avoir accordé la possibilité de lui présenter oralement leurs observations, le réviseur peut décider, selon le cas :

a) de le confirmer ou de l’annuler;

b) de modifier, suspendre ou supprimer une condition de l’ordre ou d’en ajouter une;

c) de proroger sa validité d’une durée équivalant au plus à cent quatre‑vingts jours moins le nombre de jours écoulés depuis sa réception hors suspension.

[35]        Vraisemblablement, si le législateur avait eu l’intention de conférer de vastes pouvoirs par le truchement de la LPAME, il aurait rédigé la loi différemment. Lorsque l’on compare le libellé de la LPAME à celui de la LCPE, il est clair que la portée des pouvoirs conférés au réviseur‑chef par la LPAME est plus restreinte.

[36]        Le réviseur‑chef a tenu compte de l’objet de la LPAME (voir l’article 3) dans la présente analyse. Bien qu’ECCC affirme que l’objet de la LPAME abonde dans le sens de ses arguments, le réviseur‑chef relève que certains aspects de l’article 3 tendent également à appuyer l’interprétation du demandeur (p. ex. la mention d’un régime « juste » pourrait aussi être interprétée comme renvoyant à un système qui tient compte des circonstances individuelles de manière équitable).

[37]        Le réviseur‑chef convient que le projet de loi C‑16 dans son ensemble a été adopté pour tenir compte de l’important besoin de renforcer les lois environnementales afin qu’elles traduisent mieux « la vive désapprobation de la société à l’endroit des infractions liées à l’environnement », et pour élargir la gamme des outils d’application de la loi, car « [l]orsque la loi n’est pas appliquée, elle est inefficace pour conserver et protéger l’environnement et la faune ». La majeure partie du compte rendu des débats cité par ECCC est de nature relativement générale, et ne traite pas de la question soulevée en l’espèce. Toutefois, le passage suivant traite directement de la question dont nous sommes saisis en l’espèce (Débats de la Chambre des communes, 40-2, no 31 [23 mars 2009] à 1745 [M. Mark Warawa]) :

Les personnes qui se verraient imposer une amende pourraient la contester devant un tribunal administratif, de manière à en assurer l’équité. Le tribunal déterminerait s’il y a bel et bien eu infraction, puis il verrait à corriger le montant de l’amende au besoin, dans le cas où il jugerait que ce montant n’est pas conforme au règlement.

[Non souligné dans l’original]

[38]        Néanmoins, ce passage ne fait guère plus que paraphraser le libellé du paragraphe 20(3) de la LPAME.

[39]        En l’espèce, le réviseur‑chef conclut que les libellés de la LPAME et du RPAME répondent clairement à la question soulevée par les parties. S’il est vrai que l’objet de la LPAME et le hansard soumis par ECCC offrent une mise en contexte utile des objectifs généraux de la LPAME ainsi que de son projet de loi de mise en œuvre, le libellé de la LPAME, rédigé en langage clair, est sans équivoque.

[40]        Du point de vue de l’interprétation de la loi, le réviseur‑chef conclut que les passages clés figurent à l’article 7 et au paragraphe 20(3) de la LPAME, où il est précisé que le montant de la pénalité doit être « déterminé conformément aux règlements ». La mention, au paragraphe 20(3), de la modification du montant porte également à conclure que le montant de la pénalité doit être calculé conformément à la formule établie dans le RPAME plutôt qu’en fonction de facteurs discrétionnaires plus généraux.

[41]        Ayant décidé que la LPAME prévoit clairement que les pénalités doivent être déterminées conformément au RPAME, le réviseur‑chef doit maintenant analyser la question de la portée exacte de la compétence prévue par ce règlement.

[42]        Le réviseur‑chef estime que le libellé de l’article 4 du RPAME est également très clair, puisqu’il précise que le montant de la pénalité « est calculé » selon la formule établie dans le RPAME. Encore une fois, rien n’indique qu’il faille tenir compte de facteurs discrétionnaires plus généraux dans le calcul du montant d’une SAP. Ce constat est renforcé par le libellé des articles 5, 6, 7 et 8 du RPAME, lesquels présentent la méthode à suivre pour déterminer le montant exact de chaque élément de la formule prévue à l’article 4. Dans tous les cas, cette disposition d’exécution indique clairement que le montant de chaque élément se trouve dans la partie applicable de l’annexe 4 du RPAME. Cette annexe ne prévoit pas de réduction des montants établis, et ne propose aucune fourchette de montants pour les différents éléments du calcul. Elle précise plutôt les montants à inclure dans le calcul.

[43]        Pour ce qui est de déterminer si un réviseur peut annuler complètement une pénalité administrative, l’article 5 du RPAME, lu parallèlement à l’article 4 et à l’annexe 4, montre clairement que le réviseur n’a pas compétence pour imposer une pénalité inférieure au « montant de la pénalité de base ». On trouve six montants établis à l’annexe 4, selon le type d’infraction et l’auteur de la violation (personne physique ou autre). Dès lors qu’une violation est prouvée par ECCC, le montant de la SAP ne peut être inférieur au montant de base applicable. Par conséquent, le réviseur n’a pas compétence pour « annuler » une pénalité si ECCC a déterminé qu’une violation a été commise. Le montant de base applicable est le minimum prévu par la loi

[44]        Pour en revenir à l’autre partie de la question à laquelle il faut répondre pour cette étape préliminaire de la procédure, le réviseur‑chef doit maintenant déterminer si un réviseur est autorisé à « réduire » le montant de la pénalité une fois qu’ECCC a déterminé qu’une violation a été commise. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le réviseur‑chef arrive à la conclusion que les réviseurs n’ont pas la compétence générale de réduire le montant d’une SAP pour des motifs généraux de justice ou d’équité. Ce type de pouvoir discrétionnaire est tout simplement absent de la LPAME et du RPAME. Les réviseurs, en tant que créatures du régime législatif qui les a établis, doivent exercer leurs pouvoirs légaux dans les limites fixées par le législateur (Dunsmuir, aux paragraphes 28 et 29). De plus, les réviseurs peuvent s’acquitter pleinement du rôle qui leur est conféré par la loi sans considérer qu’un pouvoir, fondé sur l’équité, de réduire le montant d’une SAP est « nécessairement implicite ». Car il existe une différence entre des pouvoirs implicites nécessaires à l’exercice d’un rôle prévu par la loi et des pouvoirs qui constitueraient carrément des pouvoirs supplémentaires. Le législateur aurait pu prévoir, dans la LPAME, la possibilité de réduire le montant d’une pénalité pour des motifs d’équité. De surcroît, il aurait pu privilégier, comme dans la LCPE, un libellé plus général pour les dispositions de la LPAME concernant les réviseurs. Cependant, une fois que le législateur a décidé de l’étendue d’une compétence, il revient aux décideurs désignés par la loi de s’acquitter du rôle qu’on leur a ainsi confié. Il ne leur appartient pas d’exercer des pouvoirs complètement nouveaux, qui ne leur sont pas nécessaires pour s’acquitter pleinement des rôles qui leur sont attribués.

[45]        Il est indiqué clairement dans l’article 15 de la LPAME qu’un demandeur peut « saisir le réviseur‑chef d’une demande de révision du montant de la pénalité ou des faits quant à la violation présumée, ou des deux ». En ce qui concerne les « faits quant à la violation présumée », le rôle du réviseur consiste à déterminer si ECCC s’est acquitté de son fardeau en vertu du paragraphe 20(2), tout en gardant à l’esprit que certains moyens de défense ne peuvent être invoqués (article 11). Cela implique souvent les mêmes types d’ enquêtes qui ont lieu dans le cadre de poursuites judiciaires et qui visent à déterminer si les éléments de la violation ont été prouvés, si la personne visée par la pénalité est la personne qui a commis la violation ou si un délai de prescription a été respecté. Elles peuvent également consister à déterminer si la violation alléguée se rapporte à une disposition expressément prévue par le RPAME.

[46]        En ce qui concerne la « révision de la pénalité », le paragraphe 20(3) dispose que le réviseur « modifie le montant de la pénalité s’il estime qu’il n’a pas été établi conformément aux règlements ». Cela signifie que la LPAME ne va pas jusqu’à exiger des réviseurs qu’ils acceptent le montant de la pénalité établi par l’agent d’application de la loi dans le procès-verbal. Le réviseur‑chef en conclut que les réviseurs ont non seulement le pouvoir de modifier le montant d’une pénalité administrative, mais aussi l’obligation de le faire s’ils constatent qu’il n’a pas été établi correctement et conformément au RPAME.

[47]        L’examen des articles 4 à 8 du RPAME révèle qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles un réviseur peut devoir réduire une pénalité (p. ex., classification erronée de l’auteur de la violation dans la colonne 1 de l’annexe 4 du RPAME; type de violation erroné dans la colonne 2, ajout inapproprié d’un montant des colonnes 4 à 7, mauvaise classification de l’avantage économique dans les colonnes 6 et 7). Tous ces motifs amènent à conclure que le montant d’une pénalité « n’a pas été établi conformément aux règlements ». La correction requise peut découler, par exemple, d’une erreur commise dans le calcul exigé par l’article 4 du RPAME ou d’une conclusion de fait d’un réviseur (p. ex., il n’y avait aucun antécédent de non‑conformité, mais l’agent d’application de la loi avait inclus un montant à ce titre dans son calcul; il n’y avait aucun dommage environnemental, même si un montant avait été inclus à ce titre dans le montant de la SAP). Par conséquent, le libellé des articles 6 à 8 du RPAME et les faits particuliers à un cas donné permettent de déterminer si les agents d’application de la loi devraient ajouter des montants au montant de base établi à l’annexe 4. Les réviseurs ont le pouvoir de s’assurer que ces articles ont été appliqués correctement.

[48]        Les réviseurs ne peuvent réduire le montant d’une pénalité que si le montant initial calculé par un agent d’application de la loi n’a pas été établi conformément aux règlements. Il est important de mentionner qu’une fois qu’il a été déterminé que l’agent d’application de la loi a commis une erreur dans le calcul du montant d’une pénalité, cela ne confère pas pour autant aux réviseurs le plein pouvoir d’imposer une pénalité qu’ils estiment appropriée. Il incombe plutôt aux réviseurs de corriger le montant de la pénalité en appliquant les articles 4 à 8 et l’annexe 4 du RPAME. Cela renforce l’approche adoptée dans la LPAME et le RPAME selon laquelle, une fois que les faits d’une violation sont connus (y compris les éléments de la violation elle-même, le type d’auteur, le type de violation et la présence ou l’absence d’antécédents de non‑conformité, de dommages environnementaux et d’avantages économiques (deux types)), les réviseurs n’ont aucun pouvoir discrétionnaire à l’égard du calcul de la SAP. Ils doivent tirer les conclusions qui s’imposent, puis calculer le montant de la SAP conformément au RPAME.

[49]        En conclusion, la question suivante a été posée au réviseur‑chef :

[traduction]

Si la violation ayant donné lieu à une pénalité a été établie par Environnement et Changement climatique Canada, le réviseur a-t-il le pouvoir, en vertu de la LPAME, d’annuler cette pénalité ou d’en réduire le montant?

[50]        La réponse est la suivante :

[traduction]

Si une violation est établie, le réviseur n’a pas le pouvoir d’annuler la pénalité infligée, car le montant de la pénalité de base sera toujours fixé selon le montant minimum prescrit par les articles 4 et 5 du RPAME. Un réviseur peut réduire le montant de la pénalité, mais seulement si celui‑ci doit être corrigé afin qu’il soit conforme au RPAME. La LPAME ne confère aucun pouvoir, explicite ou implicite, d’annuler ou de réduire le montant d’une pénalité pour des motifs d’équité ou d’impartialité.

[51]        Bien que le demandeur ait présenté de brèves observations relatives à certaines circonstances entourant la présente affaire, notamment en ce qui concerne la date d’imposition de la SAP, la saisie des marchandises et la date d’obtention du permis nécessaire, le réviseur‑chef rappelle que le présent ordre porte uniquement sur la question de droit préliminaire soulevée par les parties. Aucune conclusion au sujet des faits n’est tirée en l’espèce, et il n’est donc pas nécessaire, à cette étape de la procédure, d’examiner les brèves observations du demandeur sur ces faits. De même, pour répondre à la question de droit soulevée par les parties, le réviseur‑chef n’était pas appelé à examiner la décision discrétionnaire prise par ECCC, qui consistait, en l’occurrence, à imposer une SAP.

[52]        Enfin, le réviseur‑chef convient avec ECCC que les questions relatives à la Charte peuvent être traitées par les réviseurs, conformément à la décision Conway. Toutefois, étant donné que le demandeur n’a invoqué aucun motif fondé sur la Charte en l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments d’ECCC relatifs à la Charte. L’analyse qui précède se limite aux questions d’interprétation juridique soulevées dans la présente affaire, et toute question liée à la Charte susceptible d’être soulevée dans l’avenir est laissée à une affaire ultérieure, où de telles questions pourraient être soulevées par un demandeur.

Ordonnance

[53]        Ayant répondu à la question préliminaire soulevée par les parties, le réviseur‑chef ordonne au demandeur d’aviser le réviseur‑chef, dans les deux semaines suivant la délivrance de la présente ordonnance, s’il souhaite donner suite à la présente demande de révision ou la retirer. Si le demandeur choisit de donner suite à la demande de révision, le réviseur‑chef communiquera avec les parties pour leur donner d’autres directives procédurales. Si le demandeur choisit de retirer sa demande de révision, le réviseur‑chef fermera son dossier.


Directives procédurales données.

 

« Jerry V. DeMarco »

JERRY V. DEMARCO

RÉVISEUR‑CHEF

 

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